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142     <                      PERICAUD

   Ce n'est pas tout. Un point encore l'embarrassait. Il
hésitait sur l'orthographe qu'il suivrait en réimprimant
les œuvres de Louise Labé. L'orthographe adoptée par
Jean de Tournes, imprimeur lyonnais, et premier éditeur
de ces œuvres, lui semblait un peu étrange. « Sans être
aussi bizarre, dit-il, que celle que les Meigret et les Pelle-
tier cherchèrent dans ce temps-là à mettre à la mode, cette
orthographe différait cependant, en beaucoup de points,
de celle qui était alors généralement suivie (1). » Jean de
Tournes retranchait souvent les lettres doubles, et écri-
vait, par exemple, A polon pour Apo lion, mile pour mille, etc.;
il mettait un s pour un x aux mots en eux et en aux :
ceus, eus, dieus, les yeus, amoureus, aus, taureaus, beaus,
roseaus, etc. (2).
   Breghot hésitait donc sur la question de savoir s'il se
 conformerait à ce « singulier néographisme, » comme
l'avaient fait les deux derniers éditeurs de Louise Labé,
 ou s'il adopterait l'orthographe qui était la plus usitée du
 temps de cette femme poète, c'est-à-dire « celle des bon-
nes éditions de cette époque, l'orthographe, enfin, qu'on
 observe dans les réimpressions de Marot, de Rabelais, de
 Montaigne. »
   On aurait pu faire à Breghot du Lut cette objection
 qu'il se faisait sans doute à lui-même, savoir : que les



  {\ ) M. Ambroise Didot a publié une très-curieuse brochure intitu-
lée : Observations sur l'orthographe française depuis 4527 jusqu'à nos
jours. — Didot, 1867, in-8°.
   (2) D'après les règles d'orthographe que s'était faites Jean de Tour-
 nes, Breghot incline même à croire qu'il avait retranché un 6 au
 nom de la Belle Cordière, et qu'il écrivait Labé au lieu de Labbé. Du
 reste, ce nom n'était qu'un sobriquet donné à la famille de la Sapho
 lyonnaise, qui s'appelait Charly ou Charlieu.