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6 POÉSIE. J'ai vécu : du bonheur j'ai comparé les routes ; J'ai sillonné les mers, qui se ressemblent toutes ; J'ai porté la giberne et le sac du soldat ; J'ai changé maintes fois de chimère et d'état ; De mes désirs partout j'ai promené la flamme : Je n'ai trouvé qu'ici, trop tard, la paix de l'âme. » — « Mon père, répondait le jeune homme indompté, Oui, le repos convient à qui l'a mérité, Et Dieu se reposa quand il eut fait sa tâche ; Mais, encore au matin, vivre oisif est d'un lâche, Car c'est jouir du bien qu'on n'a point amassé. Le présent à vos yeux s'embellit du passé : Moi, comme un faible oiseau qui près du nid voltige, Comme une fleur sans eau qui languit sur sa tige, J'ignore quels retours garde aux audacieux La colère des vents ou la faveur des cieux. L'homme a beau s'amoindrir, le monde est son domaine ; II n'aime sou berceau que quand Dieu l'y ramène ; Il veut, en attendant, combattre, aimer, haïr, Commander, s'il le peut, tout au moins obéir ; Il veut voir les cités, les flleuves, les campagnes : Elever des châteaux dans toutes les Espagnes ; Et longtemps servir Dieu, ses frères, ses amis, Pour pouvoir s'écrier : Le repos m'est permis ! Ah ! si l'expérience est un beau privilège, Lorsque j'aurai des fils, Père, que leur dirai-je ? Je n'ai rien vu. » — « Seigneur, eh bien ! veillez sur nous, » S'écria le vieillard ; et tombant à genoux : « Me demanderez-vous ce dernier sacrifice ? De trois fils que j'avais, deux sont morts au service, Et leur frère déjà parle de me quitter. » — « Mon père, en d'autres temps vous pourriez hésiter, Et d'un meilleur destin concevoir l'espérance ; Mais, vous m'avez compris, je veux servir la France ; Car nous sommes Français depuis qu'à Monaco Le cri de nos besoins n'a plus trouvé d'écho. Si mes frères, jadis, sont morts pour l'Italie, C'est que nous n'avions pas la France pour patrie. > >