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                     LE PARDON

C'était aux premiers temps de l'histoire du monde ;
La famille d'Adam, proscrite et vagabonde,
Sur la face du globe au loin se répandait.
Le grand aïeul vivait encore ; il attendait
L'Ange par qui toute âme est enfin consolée,
La bienfaisante Mort, tant de fois appelée.

Accablé sous le faix des siècles et des maux,
Vieux cèdre foudroyé dans ses plus chers rameaux,
Il avait tout perdu de sa beauté' première.
Adam, jadis égal aux esprits de lumière,
Est courbé comme un arc et se traîne à pas lents
Et sa tête s'incline et ses cheveux sont blancs.
« Iaveh! Iavehl — Quand donc viendra le terme?...
« Pitié, Seigneur, pitié I dit-il. — Puis il s'enferme
Dans l'immobilité lugubre du granit.
Vers l'implacable azur qui flamboie au zénith,
Puisque Dieu n'y vient plus, pourquoi lever la tête ?
Son asile'aujourd'hui, c'est la terre muette
C'est elle qui l'attend et lui prépare un lit
Dans le silencieux refuge de l'oubli.

Quelquefois il évoque Eden et ses délices,
Les oiseaux qui chantaient, les fleurs aux frais calices,
Le matin de ses jours, si doux et si riant
Mais jamais son'regard ne cherche l'Orient.
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