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DE LA VÉRITÉ i L'erreur raffinée n'est 'qu'une docte ignorance qui suit le savoir comme l'ombre suit le soleil. L'ignorance ne sait pas ; l'erreur raffinée sait mal, et elle est moins excusable que l'igno- rance, parce que, convaincue qu'elle sait, elle ne peut apprendre. 11 est peu d'écrits qui ne mentent par ignorance, par raffine- ment de science, par intérêt, par esprit de parti, par dog- matisme scientifique, par scepticisme philosophique, par doctrinarisme, par esprit d'affirmation ou d'insinuation, par réticence, par faux systèmes, par morcellement, etc., etc. Il y a, sous prétexte de vérité, mille formes pour le mensonge. Dieu ne connaît pas le mensonge ; l'homme ne connaît pres- que pas la vérité, ou ce qu'il connaît, sous ce titre, n'est que l'histoire plus ou moins fardée de ses erreurs. Nous étudions la nature à tâtons, à travers la nuit des mys- tères, et nos recherches, ainsi que l'écrit Bacon, peuvent être appelées nocturnes. « Qui paye perd, dit légèrement Madame de Sévigné, et les « louanges sont des satires, quand elles peuvent être soup- « çonnêes de n'être pas sincères : toutes les choses du monde « sont à facettes. » (2). Au fond, pourtant, comme c'est par un acte de la raison que nous démontrons l'incertitude de la raison, cela prouve et notre raison et son aptitude à trouver, jusqu'à certain point, le vrai : c'est assez dire combien ce certain point de vérité que nous pouvons atteindre nous permet peu d'orgueil et d'intolérance. Insistons pourtant, et disons que l'homme qui se sent natu- rellement doué de raison agit invincivblement d'après cette (1) Cette étude est la première de celles où M. Dubois-Guchun, conti- nuant un livre déjà connu, l'Esprit de mon temps au point de vue moral, poursuit sa pensée dans un livre nouveau : Y Esprit de mon temps au point de vue HELIGIEUX. (2) Lettre à Bussy, 29 mai 1677.