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NOUVELLE DAUPHINOISE. 209 Et les fermières qui; les embrassent! Sont-elles jolies, les jeunes fermières, avec leurs cheveux blonds ou bruns, s'échappant en longues boucles de leur prison de mousse- line, pour tenter l'œil du passant! Et comme elles chantent de naïves ballades, en travaillant sur leurs portes 4 ou en donnant aux poulets de leur basse-cour le mil réjouissant qui s'échappe^de leurs mains un peu viriles, mais belles, malgré leur nuance rustique ! On rit le matin, on rit à midi, on rit le soir, et les paysans sont heureux, si le bon Dieu a béni les semailles, la moisson, les vendanges, si le soleil est brillant, l'azur limpide, ou encore, lorsque la pluie bienfaisante arrive, à son heure, en riches ondées. 0 le parfum de douce quié- tude qui s'exhale de tout cela! Village de C . . . , vous étiez impardonnable de vous ennuyer avec de pareils voisins, avec un si charmant en- tourage agreste! Mais c'étaient les édiles majestueux, M. le Maire et ses adjoints, c'étaient les gros bonnets de l'endroit qui donnaient le branle à cet ennui inconcevable. Us n'avaient pourtant pas lu Bossuet, que je sache; ils ignoraient que l'aigle de Meaux a écrit : — « Un inexora- ble ennui est le fond de l'âme humaine. » — Certes, ce n'est que trop vrai, mais ces villageois n'avaient pu l'é- prouver, avec leur enveloppe cuirassée, et leurs nerfs inattaquables. Aux alentours, tout était paisible, tandis que dans les rues du bourg et chez les notables, on pâlissait de lan- gueur. Quand je dis pâlissait, j'excepte néanmoins les nez de rubis qui augmentaient en couleur de pourpre, précisé- ment en raison de cette insurmontable mélancolie, car il fallait bien la noyer dans le liquide aimé de Bacchus. — Mais la cause ? la cause? me dira-t-on. Ah I voilà : le village de C . . . jalousait Montélimà r, la Sous-Préfecture coquette, dont la gracieuse gare attire tout d'abord l'atten- tion du voyageur, Montélimà r qui, étant sur la ligne de Paris à la Méditerranée, a nécessairement des distractions 14