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204 REVUE DRAMATIQUE. lecteurs, à ces intéressantes auditions, M. Emile GUIMET m'adressait la partition de ce qu'il nomme une orientale, symphonique, le Feu du Ciel. Cette grande composition écrite sur les vers où Victor HUGO raconte, dans un style biblique et admirable, la destruction de Sodome et de Go- morrhe, devait s'exécuter le lendemain au. festival du Châtelet. Je jetai les yeux sur la partition, et le charme ne fut pas long à opérer. La pensée de M. Guimet, bien que riche et nourrie, a une carrure et une franchise qui la rendent im- médiatement accessible. Dès les premières mesures de l'introduction, qui présentent, dans leur sonorité et la plé- nitude de leurs accords, une grandeur imposante, je vis que j'étais en face de quelqu'un. A mesure, enfin, que j'avançais dans mes faciles découvertes, je me sentais de plus en plus attiré vers l'auteur du Feu du Ciel, trouvant en lui ce feu qui vient aussi du ciel comme la foudre, et que, pour cela, on nomme sacré. Et voilà comment, parti pour le Cirque, je suis entré au Châtelet. * Je ne l'ai pas regretté, et comme mon devoir envers vous est de vous faire connaître les événements artistiques im- portants, je puis dire que je n'ai perdu ni mon temps ni le vôtre. On sent tout aussitôt, dans le Feu du Ciel, une puis- sance de conception et de rendu qui étonne d'autant plus que le jeune compositeur a dû avoir bien peu d'occasions de s'entendre. Point de ficelles, point de mièvrerie : une expression simple, large, éminemment dramatique. Ce dernier point me touche beaucoup : rien, en effet, n'a plus d'importance, dans toute composition de chant et de décla- mation, que le sentiment tragique et passionné qui est la vie même de l'œuvre, et dont trop de musiciens comtempo- rains se soucient peu, même au théâtre. Je ne sais quel a été le professeur de M, Guimet; mais le modèle sur lequel il a les yeux fixés est évidemment Meyerbeer. On retrouve quelque chose de la manière de ce compositeur dramati- que incomparable dans l'orchestration du nouveau musi-