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564 est seul, il a renoncé à tous, à son père, à sa mère, à ses sœurs, aux exigences et aux charmes terrestres delà vie; à la joie bruyante pour la méditation ; au bonheur du ménage pour le dévouement sérieux aux besoins de tous ; il n'aura pas d'enfant et sera privé de leurs caresses, mais il aura les malades de son village à soigner et à consoler, les pauvres à secourir, les ignorants à instruire; il n'aura pas de femme, et souvent quelque souvenir lointain du jeune âge, ou quelque tentation mauvaise viendra désoler sa pensée; mais alors il trouvera l'étude qui fortifie, la prière qui élève vers Dieu, la méditation des lexles sacrés qui ouvre et éclaire un horizon sans bornes. Luther comprenait le mérite divin de la position qu'il avait quittée. Emporté par le mouvement de ses doctrines et de ses disciples^ il en avait subi les dernières conséquences, mais, plus d'une fois le remords le tourmenta ; et il ne put retenir le cri de sa conscience accusatrice. Un jour qu'il expliquait à sa femme les merveilles de la création, il levait les yeux au ciel et lui montrait les étoiles brillantes : Quelle vive lumière, s'écriait-il, et peut-être elle ne brille pas pour nous. —Et pourquoi, reprit Bora, serions- nous dépossédés du royaume des cieux ? — Peut-être, lui ré- pondit-il, avec un soupir, en punition de ce que nous avons quitté notre élat. — Il faudrait donc le reprendre, dit Cathe- rine. — C'est trop tard, c'est trop tard ; le char est trop em- bourbé. Cet aveu échappé dans un instant d'intimité, où le cœur s'ouvre, où l'orgueil faiblit, où la bonne inspiration du vieil homme revient sur ses lèvres, nous rappelle la réponse de Méianchlon à sa mère mourante. Pour plaire à son fils, elle avait adopté la nouvelle doctrine. Sentant sa dernière heure venue^ elle tourna les yeux vers lui, et mettant la main sur son cœur, elle lui dit : « mon fils, es-tu bien sûr que cette croyance soit la meilleure ; c'est pour la dernière fois que tu vois ta mère ; cotte vie m'échappe; toi aussi tu mourras et