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gie au milieu des luttes continuelles des voyages de mer. Em-
portés par l'aile des vents sur tous les rivages, nous supportons
les intempéries de tous les climats et de toutes les saisons.
Obligés à tout instant d'arracher notre vie à îa fureur opiniâtre
des flots, nous vivons en méprisant la vie, et nous mourons
 en narguant la mort. Son nom que nous prononçons plus
souvenl que celui de notre mère, son image qui nous apparaît
sans cesse, nous familiarisent avec elle. Nous avons dans nos
récits plus de chants de mort que de chants de triomphe.
    « J'avais couru bien des mers, vu bien des pays : Londres,
Liverpool, New-York, Lisbonne, Cadix, Constanlinople, et
bien d'aulres ; mes pieds avaient laissé leurs traces sur les
sables brûlants d e l à Syrie, et foulé l'herbe haute de l'Afrique.
J'avais quitté les rangs des matelots pour le grade de lieute-
nant, j'avais varié ma vie, j'en avais fait un manteau brillant de
mille couleurs ; pourtant le bien être et les distractions de
l'officier à bord étaient sans charme pour moi. Je me sentais
dans l'ame un vide, un besoin instinctif d'affection. "Vaine-
ment j'avais cherché une femme qui put m'allacher à elle.
Aucune n'avait eu des caresses pour mon ame, aucune n'avait
réalisé mes rêves.
   « Quoique jeune, avec la réputation d'un homme de mer
intrépide, je commençai à me lasser de traîner un cœur m a -
lade et souffrant, l o r s q u e ma bonne étoile me lit rencontrer
celui qui devait compléter mon existence.
   « J'entrai, un jour que nous étions à Saint-Thomas, dans
une taverne la plus fréquentée de cette île. Les matelots du
corsaire îa Rosalie, s'étaient donné rendez-vous dans cette ta-
verne, pour y dépenser ou y perdre l'argent de leur prise. Je
franchis la porle, et j'entendis le son de l'or et des verres s'en-
trechoquant; bientôt je distinguai, brillant au travers d'une
épaisse fumée, des pièces d'or et d'argent, des guinées, des
dollars, et des gourdes. Tout roulait et se confondait sur les
tables, au milieu des cris et des blasphèmes des pirates. C'é-
tait à qui parlerait le plus fort, et chanterait les chansons les