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  vivant, qui se meut, se tourne en tous sens pour m'ébiouir de ses mille el une
  facettes étincelantes, de ses mille et une couleurs.
    Mais, je le vois, il faut continuer mon chemin de la croix, permettez-
  moi seulement de choisir mes stations.
     Charles Depouilly est toujours au premier rang. C'est un homme d'un goût
 vraiment poétique dans ses couleurs et ses dessins. Il y a dans la case
  de cet industriel des mousselines cachemire nuancées avec tant d'harmonie,
  des ombres si jolies d'effet, des fonds camayeux imprimés si suaves et si co-
  quets qu'en vérité on se demande si l'imagination de cet homme doit vieil-
 lir un jour. Il y a de plus dans ses produits, chose rare chez un homme
 comme lui ! ce que l'on appelle de la véritable science. Ses apprêts à la
 perrotine, ses teintures de mousselines nuées, ses impressions au cylindre,
 si elles ne sont pas des innovations, sont dus au moins à des perfectionne-
 ments toujours cherchés et toujours raisonnes.
    La plupart des manufactures de Paris qui font l'article laine et soie ont
 exposé de jolies choses. J'ai vu une étoffe jaspée et ombrée pour robe, qui,
 au dire des négociants, est appelée à un grand succès.
    MM. Croco, Pagès-Baligot ont exposé des gilets dont le dessin et le
 tissu sont d'une originalité très grande et d'une nouveauté presque excen-
 trique. M. Fortier a aussi des étoffes pour ameublement dites vénitiennes
 à raison de 20 fr. l'aune. Cet article est beau. Il a un certain cachet d'étran-
 geté qui séduit de prime abord: je ne dis pas que connu du consommateur,
 ce genre là ne finisse par porter un rude coup aux damas lyonnais.
    Le schal cachemire français forme à lui seul une industrie. Il a sa généa-
 logie; carie schal de Paris a engendré le schal de Lyon, et le schal de
 Lyon a engendré le schal de Nisme, lequel en raison de la modicité de
 son prix inonde par milliers le continent européen et les pays d'outre-
 mer.
    M. Gaussen est-il le roi de celte spécialité ? beaucoup de visiteurs se
 sont plus déjà à le couronner. Il est de fait que son schal Ispahan est ma-
 gnifique. Le fond de ce cachemire est d'une splendeur vraiment asiatique.
 La galerie est moins belle, et cela lient à une économie inutile lorsqu'il
 s'agit d'un chef-d'Å“uvre. J'aurais voulu un ou deux las de plus, dans cette
 procession orientale qui se promèue avec ses éléphants et ses palanquins
 tout autour du fond.
    Ce moyen aurait coupé cette teinle locale produite par une trame rouge
qui paraît trop souvent, et jette ainsi sur tous les objets une teinle tant soit
peu dure. En somme toute, celte produclioti fail honneur, pour le tissu et
l'exécution, à M. Gaussen, et pour le dessin à M. Couderc.
    Lorsque le moment sera venu, et il approche, de parler de vos manufactu-
riers lyonnais, vous verrez que je mettrai bien volontiers le sceptre de la-
 royauté entre les mains de M. Grillet.
    M. Girard expose toujours son schal pur cachemire. Il est l'homme de toutes
 les exhibitions. Le jury de 1834 avait déclaré que ce fabricant était parvenu
 à imiter littéralement le schal indien pour le tissu, les nuances et les procédés
 de fabrication. Le Jury, que dira-t-il celle année? Mais quelques-uns disent
 que M. Girard est un visionnaire en fait d'industrie et que ce schal lui reve-
nant, à proportion, plus cher que le schal indien, il ferait mieux de s'arrêter.
    Les damas tramés verl de MM. Dubus et Bonnet sont d'un éclat vrai-
 ment fantastique. Je ne me rends pas compte de l'effet que produirait ce
tissu comme tapisserie dans un salon resplendissant de mille bougies, mais
je crois qu'il y aurait quelque chose de cette lumière dont le Dante parle
 dans son Paradis.