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 frein. Stupéfait des jugements que tant d'hommes recomman-
 dâmes portaient les uns des autres, je me mis à réfléchir, et
 je conclus que votre politique devait être une triste chose
 puisqu'elle amenait d'honnêtes gens à se méconnaître, à
 s'abhorrer.
    — La politique? peut-être il y aurait beaucoup à dire là-
dessus ; mais laissons ce sujet. Pour ce qui est des questions
 par nous passées en revue, que ton opinion soit erronée, ou
 qu'elle soit le fruit d'une impartialité rigoureuse, je n'insisterai
 point : toujours est-il que la vieille Europe jouit en ce moment
 d'un titre incontestable à la reconnaissance de l'humanité. Nul
 ne lui disputera la gloire d'avoir affranchi les femmes. En
 Orient l'esclavage les dégrade ; chez nous elles sont libres, et
 la liberté ne fait qu'ajouter à leurs charmes.
    — 0 fatuité européenne! s'écria Méhémet en frappant du
 pied avec impatience.
    — Comment ! reprit vivement l'officier, aurais-tu le cou-
 rage de nier un fait d'une telle évidence ?
    —Si j'oserai le nier ? Oui, sans doute, et mille fois, et toujours.
   — Par conséquent, les femmes, en Orient, seraient libres
 aujourd'hui?
    — Je n'ai pas dit cela.
   — Du moins, en Europe, elles seraient esclaves?
   — Ami , pourquoi donc tant d'hommes de ton pays res-
semblent-ils à ces oiseaux jaseurs qui vont, répétant sans cesse
les mêmes mots, uniquement pour les avoir entendus quel-
quefois? Dans les régions orientales les femmes ne sont
point toutes esclaves, et l'esclavage y dégrade infiniment
moins les êtres humains que chez vous la misère. C'est un
malheur dont les maîtres abusent souvent, non une flétrissure.
Tandis que vous autres , malgré vos pompeuses maximes, si
un homme est pauvre vous le méprisez, non qu'il soit indigne
d'estime par ses vices, mais tout simplement parce qu'il
est pauvre. L'esclavage, parmi nous, n'empêche point un
homme d'arriver aux premières dignités de l'empire ; une