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courageusement du poteau, il essaya en badinant si son cou
irait bien. Il se releva, et dit à son confesseur : « Mon Père,
je vous prie, rendez moi ce dernier service de me couper les
cheveux. » Après qu'ils furent coupés, il prit un crucifix, le
baisa aux pieds, et dit : « Allons, il faut mourir. Mon Dieu,
ayez pitié de moi! puis embrassant fortement le poteau.il
ferma les yeux, labouche et attendit le coup. Au moment
où il le reçut, il poussa d'une voix forte ce cri : Ah ! qui fut
aussitôt étouffé par le sang.
« M. de Cinq-Mars mort, on leva la portière du carosse.
M. de Thou en sortit d'un visage aussi affable que serein. Il
monta généreusement sur l'échafaud, jeta son manteau et
courut embrasser l'exécuteur qu'il baisa, en lui disant : « Ah !
mon cher frère, tu vas me mettre en Paradis. » Puis, se tour-
nant vers la foule, il se découvrit, la salua et jeta son chapeau
qui tomba aux pieds de M. de Cinq-Mars , alors recouvert
d'un drap noir. Tout au rebours de son ami, M. de Thou se
fit préparer à l'exécution par le bourreau même. Quoi fait,
il se confessa, se fit bander les yeux, ce que n'avait pas fait
M. Le Grand, et mitson cou sur le poteau. Ayant senti quelque
chose d'humide, il ne sut se retenir de regarder, et vit le sang
de son ami encore fumant. Il embrassa ces traces de mort,
et se mit enfin en position. Le couperet du bourreau tomba
lourdement sur le cou, mais si près de la tête, qu'il ne fut en-
tamé qu'à demi. Le corps se renversa sur le côté gauche, agi-
tant les bras et les jambes. Alors le bourreau, tout tremblant,
frappa à coups redoublés, et ne réussit à détacher la tête qu'a-
près six à sept coups cruellement donnés sur la gorge. A ce
spectacle inouï, le peuple s'émut. Des cris menaçants intimi-
dent le bourreau, et bientôt les pierres tombent en grêle au-
tour de lui. Déjà les archers fléchissaient sous les assauts re-
doublés de la populace, et l'effervescence gagnait l'intérieur de
la ville, lorsqu'on enleva en toute hâte les cadavres des deux
exécutés. La foule s'écoula peu à peu par la sombre place des
Terreaux, le long du Rhône,dont les flots roulaient avec fracas.