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 salion lyrique; il prenait place bien au-dessus de tant de
vulgaires rimeurs dont les vers font plus de bruit que n'en
ont fait les siens. Moreau fut poète, et poète d'un mérite
distingué. Il ne devra pas sa gloire à son agonie solitaire ;
celte gloire, elle est surtout dans ce qui reste de ses Å“u-
vres.
   Hégésippe Moreau était de Provins^ qu'il chante avec
 amour et regret, comme font tous ceux qui ont quitté, pour
 le tumulte des grandes villes, l'air pur et embaumé des
lieux où ils naquirent. Que de charme, que de grâce triste
et nonchalante dans la Voulzie, qui rappelle tous les jeunes
souvenirs du poète, son ruisseau aimé, ses courses buisson-
 nières, ses espérances les plus colorées, et déjà aussi ses
 amères déceptions !

         J'avais bien des amis ici-bas, quand j'y vins,
         Bluet éclos parmi les roses de Provins ;
         Du sommeil de la morl, du sommeil que j'envie,
         Presque lous maintenant dorment, et, dans la vie,
         Le chemin, dont l'épine insulte à mes lambeaux,
         Comme une voie antique est bordé de tombeaux.
         Dans le pays des sourds j'ai promené ma lyre ;
         J'ai chanté sans échos'; et pris d'un noir délire,
         J'ai brisé mon luth ; puis, de l'ivoire sacré
         J'ai jeté les débris au vent, et j'ai pleuré (1).

   Ailleurs, Hégésippe Moreau confie au vers quelques sou-
venirs dont la peinture honore peu son arne, et accuse une
triste ingratitude exprimée avec autant de fiel que d'incon-
venance. Un ogre, dit-il.

         Un ogre, ayant flairé la chair qui vient de naître,
         M'emporta vagissant dans sa robe de prêtre,
         Et je grandis captif parmi ces écoliers,
         Noirs frelons queMoutrouge essaime par milliers;


  (1) le Myosotis, Paris, 1838, in-8°, pag. 296.               «