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des lois ; je rendis la justice aux bonSj j'épouvantai les
méchants.
   « Enfin, la bonté du prince (l) daigna m'élever à un haut
grade militaire, et me placer au premier rang à côté de lui.
   « Pendant qu'une vie fugitive a amené tout cela, les che-
veux blancs ont paru tout-à-coup sur ma tète de vieillard, et
m'ont fait souvenir du vieux consul Salia, sous lequel je vis
le jour. Depuis lors, il s'est écoulé bien des hivers, et., après
les froids, bien souvent les prés se sont couverts de roses ; la
blancheur de ma tête en est la preuve.
   « Est-ce que, au trépas de la chair, ces faveurs ou ces
coups de la fortune serviront de quelque chose, quand la mort
déjà aura détruit tout ce que je fus jadis ?
    « On pourra bien me dire : — Oh! qui que tu sois, ton
 ame a perdu ce monde qu'elle adora ; ce ne sont point des
choses de Dieu, ces objets de son amour, qui te posséderont
 maintenant. —
   « Eh! bien donc, puisque le terme est l à , que mon ame
 pécheresse renonce à saJblie; que de la voix au moins elle
 loue Dieu, si elle ne peut le louer par ses vertus.
    « Qu'elle occupe ses jours à chanter des hymnes ; qu'elle
 ne laisse passer aucune nuit sans louer le seigneur ; qu'elle
 lutte contre les hérésies; qu'elle explique la foi catholique ;
    « Qu'elle foule aux pieds les rites des Gentils ; qu'elle porte
 un coup fatal à tes idoles, ô cité de Rome; qu'elle voue ses
 chants aux martyrs; qu'elle célèbre les Apôtres.
    « Tandis que j'écris ou que je parle ainsi, plût à Dieu que^
 dégagé des liens du corps, je pusse librement m'élever là où
 montera le dernier son de ma voix • »
    Les vers de Prudence furent singulièrement goûtés de ses
 contemporains. Quoique sa poésie soit âpre et rocailleuse,
 elle a du feu, de la majesté, et assez souvent de l'élégance.
 Nous voyons par les Lettres de Sidoine, que Prudence occu-

   (1) Théodose, suivant le P. Chamillard.