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  et ces quatre salles qui également espacées et en ligne perpendiculaire
  à la façade facilitent la circulation des nombreux visiteurs.
      L'immensité de ces salles, les Ilots tumultueux de la foule, l'aggloméra-
  tion de tous les objets exposés produisent à la première vue une impres-
  sion spontanée qui se dissipe néanmoins au fur et à mesure que l'esprit plus
  calme et moins troublé trouve le temps de réfléchir. On finit bientôt par
  comprendre que cette exposition est, sans le vouloir peut-être, un appel
  fait en général au charlatanisme et à la médiocrité. Le vrai talent s'y
  montre peu, et si vous le rencontrez quelquefois vous lui trouvez un air
  morose et boudeur, tant il a honte de se voir en si mauvaise compagnie.
     Il en est des expositions comme de toutes les choses de ce monde,
  avec le temps toutes les institutions possibles s'aliènent et se détruisent:
  Seulement elles survivent à leur corruption et finissent par devenir nuisibles
  plutôt que' nécessaires, humiliantes plutôt que glorieuses.
     Oh ! qu'il y a loin de celte exposition à celle de 1806. Que de noblesse ,
  que de franchise il y avait dans l'émulation de celte époque! Comme l'in-
  dustrie était grande, sévère et imposante! Elle était encore assez plébéienne
 pour qu'on put voir sur elle les traces de celte démocratie où elle avait
 trouvé en 1798 et 1801, les premiers germes de sa force naissante.
     Vous rappelez-vous combien la France fut étonnée, et combien l'é-
 tranger, terrassé par nos victoires, le fut encore par la simple vue de notre
 industrie devenue, en si peu de temps, aussi productive aussi intelligente.
     Les Oberkamp, les Dolfus Mieg,les Kœchlin, les Hartmann déployaient
 devant nous leurs magnifiques toiles peintes. Cunin Gridaine portait le der-
 nier coup aux étoffes patriciennes avec ses draps et ses tissus de laine.
 Callo s'illustrait dans le travail du fer et de la fonte; Thomire et Raviro
 par leurs bronzes ciselés, rappelaient le génie de Benevenuto Cellini. Odiot
 était admirable par ses produits d'orfèvrerie ; et nouveau Bernard de Palissy,
 Ulzschneider se présentait avec ses belles poteries de grès et de terre de
pipe.
    L'exhibition de 1806 était-elle donc si belle parce que l'industrie qu'elle
réprésentait était jeune et avait ainsi tous les charmes de la jeunesse.
Non.
    Mais alors on comprenait le but d'une exposition; on la considérait com-
me une revue industrielle. Avant de livrer bataille, ou de se défendre
 imprudemment contre les agresseurs étrangers; on aimait à peser ses for-
 ces, à calculer ses chances de succès. L'exposition, c'était une revue au
Champ-de-Mars; la veille, c'était le doute; le lendemain, la certitude d'une
victoire.
    Mais alors le pouvoir élait sobre dans les récompenses qu'il accor-
dait. 11 n'y avait de mérite que là où il y avait du mérite et partant de
croix que là où il avait du mérite; et ce mérite, ce n'était pas ce talent au
petit pied qui se frôle aujourd'hui contre les échoppes des Champs Elysées ;
c'était l'intelligence, celte intelligence qui donne la vie à toute industrie,
qui fait qu'une chose est belle par sa nouveauté, belle par la modicité
de son prix, belle par sa nécessité, belle enfin par le parti qu'en peut
tirer la consommation.
    En 1806, il y eut 27 médailles d'or de distribuées : en 183-i le nom-
bre des croix s'élevait à 28, et celui des médailles donnait une idée de la
puissance algébrique. Gare pour 1839! qui nous préservera, mon Dieu, de
celte nuée de croix, de celte pluie de médailles à venir! Sachons at-
tendre.
    Au fait, est-ce l'industrie qu'on honore en prodiguant ainsi les récompen-