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76 ses? Croyez-vous que ces rubans rouges, ces plaques d'or ou de bronze dont vous l'affublez lui empêchent de fermer les yeux sur la misère de ceux qui travaillent, et sur le délabrement de sa puissance? Croyez-vous qu'ainsi chamarée elle soit plus noble et plus majestueuse? Vous en faites une prostituée et rien de plus. Allons, c'est assez, il faut commencer; mais, par pitié, permetltez moi de vous faire grâce du café châtaigne, des chapeaux gibus, des perruques à courant d'air, des socques articulés, des savons marbrés, des raille et une pommades régénératrices et huiles idem, enfin de toute celte chaîne de fu- tilités dont le besoin s'était fait cependant généralement sentir [style de prospectus). On a le plus souvent vanté les machines exposées. Beaucoup de per- sonnes en parlent avec emphase justement parcequ'elles n'y compren- nent rien. Et cependant s'il y avait un progrès à signaler aujourd'hui dans les produits de l'industrie, ce ne serait pas à coup sûr dans la spécialité des machines; malgré tous les efforts des exposants rien ne peut nous faire présumer que nous puissions bientôt aller de pair avec l'Angle- terre. Nous n'avons guère depuis cinq ans aucune grande découverte mécani- que qui ait changé la face de nos industries, riusieurs machines, il est vrai ont été perfectionnées jusques dans les moindres détails ; mais ce ne sont là que des améliorations. Parmi les constructeurs des machines, M. Saulnicr est, à coup sûr, celui qui s'est le plus distingué. Il y a une grande intelligence dans toutes les combinaisons de ce constructeur. Tous les ajustages sont faits avec une pré- cision remarquable, et l'on peut dire à coup sûr que, différent de beaucoup d'autres, il fait marcher de front dans ses ateliers la pratique et la science. Nous sommes donc moins avancés que l'Angleterre. Nos machines les plus admirées, celles pour fabriquer le papier continu, le banc à broches pour le lin de MM. Debergue et Spréafico, l'appareil pour la filature du lin de M. Schlumberger, le métier à filer le cotou de M. André Kœchlin sont tirés en partie, sauf quelques modifications de détail, d'une foule de machi- nes anglaises qui aujourd'hui fonctionnent et sont arrivées chez nos voisins à un perfectionnement admirable. Cependant nous pouvons espérer. Déjà nos mécaniciens élevés à l'école anglaise se servent dans la pratique de la plupart de ses procédés: et si nous ne sommes pas inventeurs, nous pouvons nous dire des hommes d'i- mitation, c'est déjà quelque chose. L'ébénisterie est dignement représentée; il y a de beaux meubles. Eu gé- néral, tous les bois sont travaillés, incrustés, polis, marquetés avec mi talent digne du XVII siècle. Quelques modèles sont pleins de goût et de simplicité. Beaucoup d'autres n'ont du mérite que par rapport à l'exécu- tion, notamment cette table monstre, faite d'une pièce, ce qui ne prouve, qu'une seule chose, c'est que l'ouvrier a trouvé un plateau assez grand pour la faire. L'orfèvrerie ciselée et émailléc de M.Marrei est une chose merveilleuse. Il y a parmi les produits de cet exposant une coupe d'un goût si antique et si pur, qu'on croirait voir une patère pour les libations dérobée au tem- ple de Jupiter Olympien. De grâce, maintenant qu'il me soit permis d'en rester là . J'ai les yeux fatigués de tout ce que j'ai cru voir, la tête grosse de ce vacarme qui plane dans l'enceinte comme la poussière sur un grand chemin, l'imagination tourmentée , harassée , écrasée par la foule, cette espèce de kaléidoscope