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LE DERNIER DES VILLEROY ET SA FAMILLE 17 une certaine dose de valeur et de force. Un Alexandre ou un César, un Pierre I er ou un Charles XII peut faire des fautes ou des erreurs, avoir de mauvais jours, perdre des batailles, commettre des crimes, arriver à son but par des moyens illicites ou des chemins détournés, sans être pour cela un esprit vulgaire, étroit, borné, vicieux, indigne de la postérité et bon uniquement à être jeté aux gémonies. Si la modération était permise, je dirais que l'homme de nos jours doit, pour juger le passé, faire une large part au temps, au but, aux moyens, aux circonstances, aux préju- gés, à l'entourage et qu'il faut longtemps peser, mûrement réfléchir avant de se mêler à la foule ameutée qui poursuit un malheureux de ses malédictions et de ses haines; avant de joindre les cailloux qu'on tient à la main aux fanges et aux souillures qui pleuvent sur une tête qui, après tout, n'est peut-être pas celle d'un criminel. Qui nous dit qu'à l'occasion vous eussiez mieux ou autre- ment fait que ce maudit? Il fut jadis une famille riche et puissante qui, pendant deux siècles, domina sur la province lyonnaise, et la gou- verna comme les maisons souveraines régnent sur leurs empires. Elle eut alors ses courtisans et ses flatteurs, ses orateurs, ses historiens et ses poètes. Elle eut un peuple empressé et servile, des fonctionnaires aveugles et soumis. Elle eut des finances, une armée, des traditions, des an- nales. Encore un siècle de plus et, naïvement, comme tant d'autres, elle se fût crue régnante par droit divin. Aujour- d'hui, les temps ont changé; cette famille est éteinte. Ses archevêques, ses maréchaux, ses vice-rois, ses gouverneurs ont disparu. Le drapeau et les armoiries des Villeroy ne se dressent plus nulle part. Pierre-Scize est rasé. Un prélat N° 1. — Juillet 1S87. 2