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424 DISCOURS D'OUVERTURE problèmes, n'est-elle pas en mesure d'apaiser les deux be- soins fondamentaux de l'intelligence humaine que je viens de signaler , et encore une fois ne satisfait-elle pas au besoin de croire en môme temps qu'elle satisfait au besoin d'exa- miner ? 11 est donc déjà évident qu'elle peut prétendre à une domination complète des intelligences. Mais ces solutions ne sont-elles pas de telle nature qu'à tout jamais inacessibles au grand nombre, elles ne s'adres- sent qu'à quelques intelligences d'élite qui sont comme per- dues au milieu de la foule du genre humain ? La philosophie n'est-elle pas condamnée à demeurer enfermée dans le cer- cle étroit de quelques intelligences supérieures, et pourrait- elle sans danger et sans folie songer à en sortir pour étendre son influence sur la multitude ? En un mot la philosophie peut-elle et doit-elle aspirer à devenir populaire? Je suis de ceux qui pensent que telle doit être la mission de la philosophie, je suis persuadé qu'elle peut et doit aspirer sans cesse à descendre des intelligences d'élite aux intelli- gences de la multitude. Toutefois, pour éviter les équivoques et les grosses objections, il importe de bien préciser le sens dans lequel j'entends que la philosophie peut devenir popu- laire. Assurément je ne veux pas dire que les procédés et les méthodes philosophiques deviendront populaires, que l'observation psycologique avec toutes ses profondeurs, que l'induction qui va de la nature humaine à la nature divine en rejetant toutes les imperfections et toutes les bornes, seront un jour maniées par chaque individu tout aussi bien que par Descartes et Leibnilz. Je ne veux pas dire davantage que tel ou tel système de philosophie plus ou moins bizarre dans le fond et dans la forme, tout hérissé de formules obscures ou même inintelli- gibles , que les disciples les plus intimes, avec l'esprit le plus pénétrant, avec les efforts les plus assidus n'osent se flatter