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LES CARMÉLITES. 227 rouler une assiette d'argent avec les mains, comme on roui* une feuille de papier, et dont j'avais fait un si pernicieux usage. Je demandai à mon confesseur la permission d'ajouter, à la rigueur de la règle, toutes les autres austérités. Ce même Père de Veaux, de Père flagellant, était devenu Père lempo- riseur ; il voulait attendre que mon année de noviciat fût écoulée, après laquelle il me mettrait la bride sur le cou, ce fut son terme ou l'équivalent. Aux approches de ma profes- sion, Dieu permit à Satan de me cribler plus que jamais, en me représentant l'importance des vœux que j'allais prononcer; l'engagement de passer ma vie avec des filles et des reli- gieuses que j'avais toujours haïes mortellement; l'impétuosité de mon caractère ; la subordination à une fille prieure, après mon aversion pour celle que toute femme doit à son mari ; l'humiliation de me voir, jusqu'au dernier soupir, au milieu de tant de pures vierges, comme une corneille souillée, au milieu d'un colombier ; mille et mille réflexions de cette nature augmentaient mon trouble et ma désolation ; j'approche de la sainte table, en disant à notre Seigneur : Qu'ai-je cher- ché ici, sinon vous, ô mon Dieu ! Nul respect humain, nulle raison quelconque ne m'ont fait quitter le monde et embras- ser cet état où je suis, que le seul désir de satisfaire à votre divine justice. Regardez oVun œil de miséricorde ce publicain, celte Magdeleine, cette femme adultère, cette Samarilaine, car je suis composée à la fois de tous les heureux objets de votre clémence. « J'entends la Mère Prieure qui s'approche pour me mettre le flambeau à la main, avec lequel je devais commencer la cérémonie de ma profession. A ce moment, j'entends à l'o- reille de mon cœur celte parole : Allons ! que notre Seigneur dit au jardin des Olives à ses disciples, lorsque les soldats venaient se saisir de sa personne. Celte divine parole lit dis- paraître tous mes combats; h l'instant môme un calme et