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DE SAINT JÉRÔME. 247 L'abbé Moyse mourut à 75 ans, et laissa des disciples en nombre égal aux années de sa vie ; c'en était la couronne. 11 eût, comme les autres solitaires, la coutume d'enseigner par images et par sentences. Un moine de Scétis avait commis une faute. Les Pères se réuni- rent et envoyèrent chercher l'abbé Moyse. Il refusa de venir au con- seil : aiors le prêtre lui adresse un moine qui lui dit : venez, car l'assemblée des frères vous attend. Moyse donc se met en marche, et va les trouver, mais il avait pris un vieux panier percé qu'il rem- plit de sable, et qu'il portait sur son dos. Les moines vinrent à sa rencontre et lui dirent : qu'est-ce que cela, Père ? — Et le vieillard répondit : ce sont mes péchés qui cou- lent derrière moi ; je ne les vois point et cependant je viens aujour- d'hui juger les péchés d'un autre. — Les Religieux comprirent cette leçon, ne dirent plus rien au frère coupable et lui pardonnèrent. » Voilà quels prodiges opérait sur Moyse et sur mille autres, la so- litude parmi des chrétiens. On doit le comprendre: à certaines âmes malades la solitude est aussi nécessaire que le sont dans quelques dérangements de l'intelligence et du corps, les moyens curatifs extraordinaires, l'abstinence et le silence. Quelle étrange in- conséquence n'y a-t-il pas chez ces hommes qui presqu'au même instant prêchent l'excellence du régime cellulaire, et jettent l'ana- thème à la vie religieuse? Il existe là cependant une énorme différence toute à l'avantage des monastères. Dans vos prisons, la solitude sera forcée, c'est-à -dire qu'elle pourra produire l'exaspération, la folie; dans les cloîtres, au contraire, elle est librement consentie par des âmes à cela préparées et bien disposées à en faire profit. 11 est des plantes que l'on place sous le verre pour en obtenir une florai- son hâtive, il en est d'autres que le soleil tuerait, qui enveloppent d'ombre leur pudique et mystérieux éclat, leur parfum seul les tra- hit. Ainsi des âmes timides ou privilégiées pour goûter, dès ce monde, les chastes joies du ciel. Leur invisible époux aime à les Irouver seules et recueillies. Que nulle loi profane n'aille troubler ces mystères de la grâce ! Avant de se convertir au catholicisme, le protestant Hurter disait dans son savant Tableau des institutions et des mœurs de l'Eglise au moyen-âge, destiné à compléter son Histoire d'Innocent III: