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                       CHARLES NODIER.                       61

et ne saurait être confondu avec personne. En effet, si nous
suivons Charles Nodier dans la publication de ses Å“uvres,
nous le verrons céder h des impressions diverses, s'abandon-
ner aux influences successives qui pèsent sur son époque ou
sur sa vie. Né peu d'années avant les troubles révolution-
naires, il passa ses jeunes années au milieu des grandes
choses el des malheurs nombreux de ce temps ; méconnais-
sant les unes et ne voyant que les autres, Nodier, en réveillant
plus tard les souvenirs de sa jeunesse, oublia les nobles résul-
tats de notre grande réforme sociale, et ne se rappela que les
infortunes privées. Doué d'une sorte de sensibilité nerveuse
qui semble réservée aux organisations féminines, on trouve
dans tous ses écrits la révélation d'une ame abandonnée à la
vivacité de ses sensations, ne sachant et surtout ne voulant
ni les raisonner ni les vaincre.
   On conçoit que, dans cette nature, pour ainsi dire un peu
passive, les premières lectures, les premières admirations du-
rent laisser des traces profondes. On n'en peut douter en
lisant le Peintre de Salzbourg, écrit en 1803, à l'âge de
vingt-trois ans : sans parler de l'invention qui est nulle, des
personnages dont le caractère même est emprunté h Goethe,
le ton général, les réflexions sombres el désespérées, le dé-
nouement funeste et jusqu'à la forme épislolaire, tout cela
n'est-ce pas un écho par trop fidèle de Werther ? La rémi-
niscence est, du reste, une faute assez commune dans les es-
sais de la jeunesse; par malheur, cette couleur werthérienne
a déteint plus ou moins sur presque tous les romans dus à
Ch. Nodier. Trop souvent il s'est complu aux dénouements
ensanglantés, aux détails quelquefois hideux, aux mots mélo-
dramatiques; on dirait que le bruit du pistolet de Werther
a troublé son cerveau et qu'il ne peut finir une nouvelle sans
 effrayer le lecteur par quelque trépas inattendu, même dans
le récit le plus paisible et le plus tendre du monde. Ainsi la