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396                    LE RELIQUAIRE

scène, bien sentimentale à ses yeux, soit finie ; c'est l'élé-
ment pittoresque de ce délicieux bas-relief, qui a plu à
tout le monde.
   Nous arrivons à ce qu'on peut appeler l'âme de cette
oeuvre superbe, à ces deux anges qui portent si fièrement
la châsse de saint Louis. Voilà évidemment ce qui arrachait
au public ces cris spontanés de surprise et d'admiration que
nous avons entendus. Le cardinal Lavigerie lui-même n'a
pas échappé à la séduction générale. Ayant appris tout ce
qu'on disait du reliquaire de Carthage, il plaisantait avec
esprit de ce bel enthousiasme, se promettant bien d'échap-
per pour son compte à cette douce folie. Il entra chez
M. Armand-Calliat en déclarant au maître qu'il ne pouvait
lui donner que dix minutes, ni plus, ni moins ; une demi-
heure plus tard, le cardinal était encore là, ayant oublié
rendez-vous et affaires; comme nous autres simples mor-
tels, il avait été pris ! On nous a parlé d'un visiteur qui,
après être resté quelque temps, presque sans parole, et
comme anéanti devant ce bronze animé, descendait en-
suite les escaliers en levant au ciel de grands bras, et en
disant tout haut : « Inimaginable ! inimaginable ! »
   Ce n'était peut être pas précisément inimaginable, mais
il est au moins certain que le premier venu ne pouvait pas
trouver cela. Point d'imitation, même lointaine, d'aucune
œuvre connue : ce groupe d'anges est une création dans la
force du terme. Par quel mystère cet idéal s'est-il échauffé
dans les profondeurs de l'âme, pour passer tout vivant
dans le bronze? Nous aurions voulu — pourquoi ne pas
l'avouer ? — demander à l'ouvrier quelque chose de son
secret; nous nous sommes aperçu qu'il était incapable de le
dire ; le véritable artiste produit ses belles oeuvres, à peu
près comme la nature fait la fleur et le chêne, presque