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             LA PESTE A SAINT-GENEST-MALIFAUX                 353

 haut de chausse et allumer son feu, faire son lit en sa loge
 et autres choses qu'il n'avoit jamais pratiqué.
    Un certain autre de qui l'enfant etoit mort du tac au
 jugement d'an médecin s'en moquoit et ne le vouloit jamais
 croire ni sa femme, jusques ils furent frappés; au contraire
 ils chantoient tout ains et ce par dépit ce semble, et étant
 venu le dix septième jour après la mort de sondit fils, en se
 gaussant, il dit à quelques-uns qui lui demandoient comme
il se portoit : Voulez-vous acheter de ma santé, je vous
 en vendrai, dit-il; dans deux heures après il fut frappé et
 mourut bientôt et sa femme et deux de ses enfans.
    Un autre avoit souvent en bouche cette parole : La peste
 ne me prendra pas, car je fais mal mes affaires; il mourut
 néanmoins et ses affaires demeurèrent fort embarrassées et
plusieurs ont perdu à faute d'avoir fait des déclarations.
    Un autre en passant auprès des fosses ou etoient en terres
sa mère, ses frères et neveux, se croyant avoir eu le mal
et d'en être exemt, se coucha de son long et dit à un gal-
loupin qui etoit avec lui : prends la mesure de ma fosse, et
si je meurs, tu me mettras ici. Nostre Seigneur le prit au
mot, car il mourut de là à quelques jours et le galloupin
lui tint parole.
    Un autre disoit de sa femme : Si ma grosse (16) etoit
déjà morte, j'en ay trouvé une autre. Il mourut bientôt et
sa femme en guérit.
    La peste etoit encore en la parroisse de Saint-Romain et
la nostre n'en etoit pas exemte, comme il s'est vu depuis,
et nous étions encore dans les appréhensions, quand un



  (16) Si ma femme; cette expression « ma grosse » est très usitée
encore dans le langage populaire à Saint-Etienne et aux environs.
        N° >. — Mai 1887.                               23