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322 BIBLIOGRAPHIES LYONNAISES « Aucun critique, à ma connaissance, du moins, dit M. Boy, n'a fait remarquer que les sonnets de Louise Labé ne sont pas des mor- ceaux détachés, sans suite entre eux, et disposés au hasard de la plume ou suivant le caprice de l'imprimeur. Chacun d'eux représente en miniature un épisode du poème inépuisable de l'amour, et l'en- semble forme comme un collier de camées dont les figurines nous représentent les rêves, les aspirations, les troubles et les désirs, puis les bonheurs, puis le réveil et la désillusion, avec son cortège de larmes, de regrets et de désolation. « Mais si les sonnets de Louise Labé, loin d'être des morceaux déta- chés tombés de sa plume, sous l'impression du moment, sont, au contraire, comme les assises méthodiquement élevées d'un petit temple réservé au culte d'une divinité ; si plusieurs d'entre eux sont venus là pour y prendre la place marquée d'avance dans l'harmonie de la cons- truction, alors que peuvent-ils nous apprendre des incidents de sa vie humaine et que pouvons-nous leur demander, si ce n'est ce que tout poète met de son cœur dans les créations de son esprit? » C'est ainsi, c'est de cette main douce et légère que M. Boy soulève le voile qui couvre la vie de notre poète lyonnaise ; il explique, avec un goût exquis, d'où a pu venir la légende qui a couru contre elle. Ce récit est peu connu; il est clair, il est bref, il est important au suprême degré pour la réputation de Louise. Qu'on nous permette d'en citer les traits principaux : >' Le 14 juillet 1552, un certain Jean Varoz, dit Yvard, ou Yvert,... qui s'était fait recevoir « habitant de Genève, » déposa une demande en séparation contre sa femme... qui, dit-il, est à Lyon, qui l'a voulu empoisonner, et qui s'est adonnée à paillardise. » Cinq témoins déposent devant Calvin que cette malheureuse « han- tait bien privément une nommée la belle Cordière. » Un libraire, du nom de Robinet, ajoute que la femme d'Yvard est cousine de Louise Labé ; les deux jeunes femmes sont voisines... « Au fond, reprend M. Boy, l'histoire de cet Yvard qui s'est fait recevoir citoyen de Genève, sans doute pour se débarrasser de sa femme, nous importe fort peu, et l'opinion de ses témoins, dont nul débat contradictoire n'établit la justesse, ne nous intéresse qu'à demi. Cependant, il faut retenir leurs dires, car ces gens représentent... l'opinion publique... Ces gens forment une des sources auxquelles il