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286 LA PESTE A SAINT-GENEST-MALIFAUX rable, les impôts perpétuellement grossis, les récoltes insuf- fisantes et détruites, la guerre avec son cortège de charges et de sanglantes exigences, les souffrances d'une minorité que l'ombre de Richelieu ne protégeait pas contre les intri- gues des grands, tant de maux qui atteignaient le pays entier, sévissaient plus cruellement dans les montagnes du Forez, où la terre toujours avare se laisse arracher plutôt qu'elle n'offre libéralement les moissons et les fruits. A la dureté du sol se joignit donc la malice des temps. Jacquemin eut comme pitié de ses compatriotes, il entre- prit de les distraire et de les consoler, en les récréant. Il composa son drame et en distribua les rôles aux acteurs de bonne volonté; ils commencèrent à les apprendre, pendant les longues veillées d'hiver, à la lumière des fagots enflam- més dans l'âtre, quand la bise sifflait au dehors et que la neige s'étendait sur les chemins et les toits. Chaque famille fournit un personnage; il y en a plus de trente, sans comp- ter les figurants. Ce fut l'événement de la saison, le secret ébruité avec maintes recommandations de ne pas le trahir ; pendant plusieurs mois la curiosité générale fut tenue en éveil et comme tout était improvisé, le fuseau et les aiguilles travaillèrent avec la mémoire des jeunes gens. Le jour de la représentation venue, pas un villageois, bien sûr, n'aurait cédé sa place pour plusieurs boisseaux de froment ou quelques pots de vin. Les plus modestes bancs firent prime. Le dessein du vénérable ecclésiastique était en partie rempli. On avait beaucoup causé de sa pièce ; les prépa- ratifs avaient occupé les esprits, les langues et les doigts ; on avait moins songé à la funeste campagne qui se prolon- geait sur le Rhin et en Bavière, malgré les victoires de Condé et de Turenne, en dépit de la diplomatie de Mazarin*