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                          SAINT-SAUVEUR                       447

mine tous ces sons confus et inarticulés, et j'entends
cette voix qui dit : « 0 vous, hommes de labeurs, tra-
vailleurs vaillants et obscurs, qui vous êtes endormis dans
le Seigneur, votre tâche accomplie, reposez en paix ! Vous
avez laissé des successeurs dont les bras robustes s'arme-
ront toujours de courage et de bonne volonté. Semblables
à vous, leurs devanciers, ils conquerront par l'amour la
puissance du monde !
    « L'humanité, quoi qu'on fasse, aura toujours des ul-
cères à laver, des plaies à guérir, des blessures à panser :
qui mieux que la vieille charité chrétienne trouvera à tant
de maux un remède efficace ?
    « Les apôtres de la perfectibilté indéfinie ont beau se
 couronner de myrte sur leur trône de l'avenir, ils ont beau
 saluer de loin, à l'orient mystérieux, le signe précurseur
 du jour attendu de la paix et de la fraternité univer-
 selle : le genre humain ne peut être pour cela dispensé
 de larmes, d'immolation, de sacrifices; il doit passer
 quand même par le creuset des souffrances ; il ne peut
 se délivrer ni du berceau ni de la mort.
    « La société se modifie sans cesse, mais l'homme ne
 change pas. Le véritable progrès consiste non dans une
 prospérité matérielle croissante, non dans l'amélioration
 continue des conditions sociales, mais dans une aspiration
 toujours plus grande versrle beau éternel, le vrai, le pur
 sans tache et sans déclin. Il ne faut point que la généra-
 tion actuelle incarne ses espérances dans la boue qu'elle
 foule au pied, il ne faut point qu'elle cherche les toits
 de son Ithaque aux horizons d'ici-bas : ses destinées sont
 plus hautes ; comme chacune des époques qui l'ont p r é -
 cédé, ce siècle, à son insu, accomplit son office et Dieu
 seul qui a conduit les ancêtres sait où vont les enfants ! »
                                          Elie   JALOUSXKE.
    Besse, 10 février 1876.