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300 THIERRIAT relie, sa sagacité hors ligne ont suppléé à l'instruction que le pédagogue n'a pas su lui donner, et comme Bonne- fond, Genod, Jacomin, Rey et la plupart de ses contem- porains, il s'est instruit lui-môme. L'art fut l'occupation principale, le bonheur, la récréation, la consolation de toute sa vie, le doux aliment de son intelligence. Organi- sation fine et vierge, âme d'élite, cœur d'or, nature enne- mie du mensonge et de l'intrigue, d'une franchise peut- être un peu vive, mais sans fiel, sans arrière-pensée, il devait tous ces dons aux deux femmes qui l'avaient élevé, la bonne Françoise et sa mère. Sa mère, Madame Bienvenu de la Ribière, était du Puy, pays de la dentelle qu'elle exécutait merveilleusement. Parente de la famille de Bonald, ce qui fait que Mgr le le cardinal de Bonald était le petit cousin de mon père, elle était instruite et avait été élevée a Paris, chez un oncle célibataire, qui lui réservait sa grande fortune ; mais elle fut écartée de cette maison quasi-paternelle par les manœuvres d'une gouvernante habile qui avait de l'empire sur le vieillard, et lui fit faire un testament en sa faveur. C'était une sœur de Madame Bienvenu qui avait épousé Legendre, avocat au Parlement de Nevers, puis député à la Convention. Quant à Françoise Tisseron, elle était de la petite ville d'Andance, au bord du Rhône, et son frère André, qu'elle aimait beaucoup, était patron sur ce fleuve. Ils descen- daient de cette bonne race gauloise dont ils avaient l'un et l'autre, l'esprit, la finesse, la droiture, la gaîté. Un trait peindra le caractère sans façon du bonhomme. Venu à pied de son village à Lyon, pour voir sa sœur, il s'était assis, accablé de fatigue, sous le manteau de la cheminée, où flambait un bon feu et où se préparait le repas de ses maîtres. Elle l'avait restauré de son mieux,