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                     MAURES ET SARRASINS                  279

Asdrubal, qui conduisait aussi en Italie une armée de
Mauritaniens.
   M. l'abbé Ducis, entre autres, qui a de bonnes raisons
pour cela, car il combat pro aris et focis, se rattache à
cette opinion, qui a le double avantage de sauvegarder
l'étymologie mauresque de la Maurienne, en même temps
que le passage d'Annibal par le Grand-Saint-Bernard,
dont il est, sinon l'inventeur, du moins un des plus zélés
partisans. Il va même plus loin : il suppose que des mi-
grations préhistoriques de peuples phéniciens, entraînant
avec eux des populations africaines, ont laissé des débris
de leur race dans cette profonde vallée de la Savoie. De
par son autorité, l'infatigable et savant abbé orientalise,
africanise une foule de dénominations savoyardes, tout
étonnées d'une pareille origine, d'un pareil baptême.
   Laissons ces écrivains et leurs fantaisistes élucubrations;
 bornons-nous à décomposer l'appellation de Maurogena,
 Morienna, et cherchons à découvrir si les Maures sont là
pour quelque chose.
   L'analyse en fait ressortir ces deux expressions celtiques
encore en usage dans le gallois, le breton et autres dialectes
néo-celtiques : maur, mor, rnar, qualificatif; cean, cen, cin,
substantif; lesquelles latinisées forment Maurocenna, Mau-
rogena, puis Maurienna, par la chute de la gutturale. Ce
mot équivaut en français à : grands plateaux, grands som-
mets, dénominations qui, on le voit, nous rejette.bien loin
des Maures et de la Mauritanie, mais qui est parfaitement
en rapport avec la situation de cette province au cœur
des Alpes et des plus hautes montagnes de la Savoie et
du Piémont.
   Il ne faut pas oublier que la plupart des noms géogra-
phiques rappellent à l'esprit l'aspect physique de la con-
trée à laquelle ils ont été imposés. Les peuples primitifs,