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NOUVELLE DAUPHINOISE. 231 Celui-ci était assis dans un fauteuil, près de son feu, occupé à relire les petites lettres de Julien lorsque les visiteurs entrèrent : — A la bonne heure ! vous venez me voir, messieurs, dit-il gaiment, en leur tendant sa main loyale ; mille bom- bes ! soyez les bienvenus, et prenez place auprès de moi ! j'ai des cigares à vous offrir, mais là , desbons, je vous jure! Bientôt, apercevant leur air triste et embarrassé, il se troubla... — Mon fils?... que savez-vous de mon fils?... or^ me cache quelque chose... — Ami François, dit' le docteur, Julien a été digne de vous !... — Ah! je comprends... il a une blessure grave!... — Plus que cela, hélas! mon vieil ami!... — L'enfant est mort!... il est mort!.... cria-t-il d'une voix rauque qui fit frémir ses camarades... il est mort!... mais vive la France !... il a fait son devoir!... Après cet effort sublime, le père reparut sous l'écorce du vieux soldat, et cet homme, qui ignorait les pleurs jusque-là , cet homme qui n'avait jamais tremblé, laissa tomber sa tête martiale sur le rebord de la cheminée anti- que ; de grosses larmes inondèrent son brun visage. On entendait le bruit de sa poitrine haletante ; c'était le choc de la plus violente douleur qu'eût éprouvée cet ancien guerrier ; il faisait peine à voir. Soudain, il se leva tout d'une pièce, et l'exaltation dans les yeux : — Si je pouvais serrer son pauvre corps dans mes bras ! dit-il; ah! ces maudits Prussiens me l'ont tué!... Pour- quoi ne prenait-on pas son vieux père à sa place?... j'ai encore du sang dans les veines... je voudrais le venger!... — On le vengera, père François, dirent ses amis, quel- que jour, on le vengera, lui et la France ! — Pauvre chère France! s'écria le vieillard, j'aurais voulu mourir pour'elle!... mais mon fils!... Ah! que va