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tes lèvres la fatidique harmonie, muette depuis de longs
siècles, ils t'environnaient de lumière le grand voyage.
    Tu te souviens du jour où, dans ses mystérieux desseins ,
le Seigneur, au pied du Liban, te demanda comme un holo-
causte de charité ta fille bien-aimêe! Tu te souviens du jour
où lu t'efforças d'adoucir à ta chère compagne les rigueurs
du sort, et où, affligé comme Jérémie, il te fallut, brisé par le
deuil, pleurer sur la froide tombe de ta fille éteinte! Tu
entendis, à cette heure de pleurs, une harpe secrète retentir
dans la vallée, et verser en ton ame la consolation et la
force. C'était la harpe du saint poète, du chantre couronné,
qui, ému et attendri, répondait du haut des cieux aux
plaintes du chantre français, et, de l'Orient répandait ta
douleur par toute l'Europe. En de tels souvenirs, ta vie est
un hymne incessant pour ma pensée, et ne cesse de l'être
encore maintenant que , revenu au sein de Paris, tu montes
à la tribune, et que, versant des flots d'éloquence, tu affer-
mis les droits sacrés de la patrie. Elle n'est pas éteinte, la
flamme qui échauffa ton ame au foyer de Ja poésie ; elle
t'incite môme à de plus fortes pensées. Dérouler les mystè-
res de la nature, interpréter les graves et renaissants de-
voirs de la vie civile, peser dans la balance de la justice les
discordants désirs des peuples et des rois, et ouvrir à nos
neveux un nouveau champ de gloire, voilà les soins de la
sagesse, l'auguste enseignement qui doit en tout âge éterni-
ser un poète.
   Exilé et embrasé de colère gibeline , le malheureux
Àlighieri errait incertain, et dans toute contrée tonnait sur
les destins de l'Italie avec la voix d'un dieu fort. Il mania dans
la guerre civile et l'épée et la plume, puis, gémissant sur la
patrie divisée, il donna au monde, en la plus belle langue
de l'amour, le divin poème qui jaillit des luttes d'un âge
cruel , comme du noir cahos s'éleva avec les harmonies