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480 une douce consolation à mes maux secrets, et à la tristesse qu'inspire un siècle pervers. Ils étaient beaux les temps an- ciens, alors que, auguste comme unefilledes deux, la poésie, maîtresse des nations, rendait un son d'éternelle vie. Les bardes s'assemblaient dans une solitaire demeure, et, invo- quant la flamme des dieux , ils jetaient sur les pensées hu- maines le chant inspirateur de nobles entreprises. Tout émerveillé, le peuple recueillait pieusement les mélodies qui, de la demeure fermée sortaient alternativement comme le doux chant du rossignol que l'on entend résonner sous le bosquet écarté. Ils abandonnaient soudain leur asile secret, si la patrie gémissait sous un joug ennemi, et, entonnant leurs généreux accords, ils inspiraient le courage, et, pour venger la liberté perdue, savaient pousser aux combats les cœurs les plus timides. Assis sur son char étincelant d'or, le vainqueur prêtait une attentive oreille à l'hymne de victoire que disaient les chantres inspirés, et n'ignorait point que le souvenir de ses batailles se perdrait, si, par ses accords puis- sants, la voix des bardes ne l'éveillait de génération en géné- ration. La lyre des bardes était un autel où s'éternisaient par l'harmonie les grandes œuvres des siècles écoulés ; c'était pour la pensée humaine une sainte chose, comme la sainte et au- guste table donnée pour infaillible code au chef hébreu. Maintenant, voici un triste siècle saturé de vers ; voici un âge où l'égoïsme règne sur les affections de l'homme, et où passe comme une vaine et misérable folie la voix des chan- tres inspirés. Mais celui qui sent en soi le foyer où s'anime léchant ne reste pas muet, malgré la lutte des fatals destins; il tourne vers les deux un regard suppliant, et verse sur la jyre les notes qui de sa poitrine inquiète jaillissent avec les pleurs et les soupirs. C'est bien la flamme de Dieu, ce souffle secret qui m'élève au dessus de l'argile de notre globe et se porte à d'autres