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 tinclement au milieu de la foule. Que vous soyez fils du
noble et haut seigneur, ou fils de l'humble artisan, de l'obs-
cur et honnête laboureur, peu lui importe; les privilèges
de castes disparaissent devant lui ; voilà pourquoi l'histoire
des lettres et des sciences nous offre de si étranges phé-
nomènes, et nons montre, par exemple, Reboul à côté de
Chateaubriand, ici le grand poète du manoir de Combourg,
là ce merveilleux poète du modeste atelier de l'ouvrier.
   Cet étrange phénomène qui s'est renouvelé plus d'une
fois de nos temps vient-il d'une plus large irradiation de la lu-
mière chrétienne qui va susciter au cœur de l'homme de vives
harmonies, ou bien faut-il en assigner la cause à une plus
grande activité d'intelligence éveillée par le rapide cours des
idées, ou bien n'est-ce qu'un simple accident qui se pré-
sente comme à d'autres époques d'autres particularités ?
   L'Allemagne avait eu, au XVe siècle, le cordonnier Hans
Sachs, de Nuremberg, et le tisserand Léonard JNiinnebeck.
   L'Angleterre a vu naître au sein des classes populaires quel-
ques poètes d'un remarquable talent. Cefut sur la fin du XVIIIe
siècle que sortit des rudes travaux de la campagne ce Ro-
bert Burns, qui se trouva poète un beau jour qu'il admirait
à ses côtés une jolie moissonneuse, et qui écrivit des poè-
mes d'une couleur si fraîche, si pure et si passionnée.
   La muse des anciens temps ou la muse moderne inspira-
t-elle jamais poésie empreinte de plus de sentiment et de
grâce qu'il n'y en a dans cette Ode à la Marguerite des champs,
(avril 1796) :
   « Frêle et modeste fleur, couronnée de pourpre, tu m'as rencontré en
un moment funeste ; je viens d'écraser dans le sillon ta tige délicate. Te
sauver maintenant n'est pas en mon pouvoir, brillante créature.
   Hélas! ce n'est pas ainsi que te traitait l'alouette, ta mélodieuse voisine,
qui, sans te briser, te courbait sous son poids, lorsqu'elle s'élançait pour
prendre l'essor vers l'orient qui rougit au lever du jour.
   « Le vent du nord, vif et froid, te reçut à ta naissance, et cependant
tu te levais joyeusement au milieu de l'orage, laissant à peine percer sur
la terre d'où tu proviens la forme délicate.