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LETTRES DE SAINT-ETIENNE 359 5 Lettre à un de ses élèves au moment où il finissait ses études. m Vous êtes à l'âge où un jeune homme, qui a au cœur une noble ambition, doit se préparer les voies vers le but où il tend, et se mettre en mesure de l'atteindre. Beaucoup écouter, beaucoup réfléchir, beaucoup étudier, se faire des idées exactes et précises de toutes choses, voilà quelle est la vraie préparation de l'homme public, de celui qui est appelé à jouer un rôle et à exercer une influence sérieuse sur ses semblables. Mais faut-il avoir de l'ambition ? C'est là une question bien diversement résolue. Vous entendrez dire quelquefois que c'est une faute, parce que l'ambition étant surtout fondée sur l'orgueil, c'est un sentiment anti-chrétien. Vous enten- drez dire encore que c'est un malheur, parce qu'elle expose aux déceptions, aux amères souffrances de la vanité froissée. Tout cela est vrai, mon cher ami, si l'on ne parle que de l'ambition orgueilleuse et égoïste. Mais ily a une ambition plus pure, qui veut arriver à la puissance pour s'en servir suivant la justice, et qui se résigne d'avance à l'échec, à la défaite, si tel est le bon plaisir de Celui qui règle à son gré nos destinées. Fondée sur ces deux bases, le dévouement à la justice, la soumission à la volonté de Dieu, l'ambition est un sentiment noble, auquel un jeune homme bien doué doit ouvrir son cœur. Vos talents semblent être un indice de la vocation divine. Ayez du moins l'honneur de l'avoir entrepris.