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3)6 HENRI HIGNARD bon de réprimer cette tendance à l'attendrissement sans cause. C'est bon pour le; petites filles, pour les femmes oisives. Chez nous, ce serait un enfantillage ; et la preuve, c'est que tu rougirais d'avouer cela à un étranger, tu aurais peur qu'il se moquât de toi. Tu as des craintes pour l'ave- nir. Je m'attaque de suite à ce qu'il y a là de plus sombre, de plus menaçant. Tu crains de l'ennuyer pendant les quel- ques dizaines d'années que le bon Dieu te réserve. Mon ami, si tu t'es jamais imaginé que tu t'amuserais beaucoup pendant ta vie, que tu y trouverais des plaisirs bien vifs et continus, il faut te détromper. Tu ne trouveras jamais rien qui puisse satisfaire ton cœur pleinement, quelque état que tu prennes, tu t'y ennuieras souvent, presque nécessaire- ment monotone, fatigant, plein de détails fastidieux. Voilà un point sur lequel il faut bien s'entendre. N'y a-t-il pas de bonheur possible ? Certainement si, mais à la condition du travail, de l'activité d'esprit, du dévouement à quelque œuvre bonne et utile. Celui qui s'abandonne à ses idées vagues, qui au lieu d'acheter le bonheur par le travail veut le trouver d'emblée ; celui qui passe à rêver le temps qui nous est donné pour connaître Dieu, l'aimer, le servir et par ce moyen obtenir la vie éternelle, celui-là n'arrivera qu'à de profondes tristesses, des déceptions cruelles, de sombres désespoirs. Il y en a qui ont été conduits par cette voie jusqu'au suicide. Avec cette simple phrase de catéchisme, je viens de t'indique'r tous les buts nobles et sérieux qu'on doit se proposer dans cette vie. Connaître Dieu, en lui, et en ses œuvres, par la religion et par la science, par l'étude, l'observation attentive de la nature, de l'homme, de la société. L'aimer, c'est-à -dire, s'exciter à tous les bons senti- ments ; à un noble enthousiasme, pour tout ce qui est •vrai, pour tout ce qui est bon, pour tout ce qui est beau,