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134                    HENRI HIGNARD




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                               Dimanche matin, 25 juillet 1841.


          MES CHERS PARENTS,

    Voici une lettre qui suit de bien près celle de jeudi, je
n'ai rien de nouveau à vous dire; nos journées sont très
uniformes, et maintenant elles me paraissent bien courtes.
Cependant, puisque M. de Prandière veut bien vous porter
une lettre, je ne veux pas perdre cette occasion de vous
redire ce que je vous ai déjà dit si souvent, sans craindre
d'être monotone, c'est que je pense beaucoup à vous, et
que je sens de jour en jour croître en moi cette vive ten-
dresse que je vous dois à tant de titres. M. Lacordaire a dit
un mot très vrai et très touchant dans son histoire de saint
Dominique. Il parle du chapelet dont quelques personnes
se moquent, parce qu'elles trouvent ridicule de répéter
cinquante fois de suite la même prière. Les malheureux,
dit-il, ils ne savent pas que l'amour n'a qu'un mot, et qu'en
le redisant sans cesse il ne se répète jamais! J'éprouve cela
lorsque je vous écris. Presque toutes mes fins de lettres
sont semblables, et pourtant je ne me répète pas, chaque
fois je ne fais qu'exprimer un sentiment très vif, très sin-
cère, et qui me revient toujours le même, que parce que je
n'en conçois pas d'autre possible entre vous et moi. — S'il
fait chez vous le temps affreux que nous avons depuis
quelque temps, les douleurs de ma mère doivent bien la
 faire souffrir. Je prie mon père de m'en parler dans sa pro-
chaine lettre que j'attends bientôt. Il paraît que les moissons
sont en grande partie perdues, et que nous aurons la famine