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LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE 79 Et toi, mon bon ami, pourquoi ne m'écris-tu pas ? Qu'est- ce que tu fais maintenant ? tu devais me parler longuement de tes lectures, et j'attends toujours. Je te conseille beaucoup les bons ouvrages que nous avons à la maison, surtout Féné- lon, Bossuet, Pascal, I.abruyère, de lirelentementet d'essayer de te rendre compte de ce que tu as lu. Voici quelque chose qu'il faut lire avant tout. Prends le premier volume de Rollin, Traité des études. T u le trouveras parmi mes livres, un des volumes reliés, page 21 j , l'article intitulé : De la nécessité et de la manière de cultiver la mémoire, surtout la fin, où il parle de la mémoire des idées et des faits, en l'opposant à la mémoire des mots. Lis aussi page ^ du même volume (après lalongueintroduction numérotée en chiffres romains), le chapitre intitulé : De T Etude de la langue française jusqu'à la page 30, où il parle de la traduction, ce qui ne te regarde plus. Je te conseille fort de faire attention à tout cela, parce que tu as besoin de travailler ta manière d'écrire. Tes phrases sont mal suivies et décousues. Sans doute, mon cher ami, tu n'as pas besoin de devenir un habile écrivain, mais on doit exiger de tout Français qu'il parle bien sa lan- gue, et de tout homme qu'il l'exprime nettement, clairement, avec suite, et de manière à bien montrer ses idées. Je crois même, et au risque de te paraître pointilleux, je ne veux pas te cacher ma pensée, je crois que tu devrais t'attacher à mettre plus de régularité et d'ordre dans ta manière d'écrire au sens matériel. Tu sais que Lavater ne deman- dait que dix lignes écrites par un homme pour juger de son caractère ; il y a certainement là de l'exagération, mais néanmoins c'est une chose certaine, qu'il y a un certain rapport entre les idées d'un homme et la manière dont elles se forment sur le papier. Tu me parais écrire trop vite, et je craindrais que si tu avais à écrire une lettre à quelqu'un