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S18                       CHARABARA.

ment supposer qu'il n'avait pas agi avec parfaite connais-
sance de cause, en allant chercher Julien au milieu du fleuve?
Il regardait l'enfant d'un œil si joyeux, si paternel, qu'assu-
rément les éperons du capitaine n'étaient pour rien là de-
dans. Il faut dire que Julien lui donnait souvent du sucre.
Le sucre entre pour beaucoup dans l'intelligence des che-
vaux. Ceci soit dit entre nous Si ces nobles messieurs du
Jockey-Club à favoris en broussaille m'entendaient com-
mettre pareil blasphème !          c'est qu'ils ne sont point en-
durants sur l'article, ah! mais!.           . . . . . . .
A coup sûr, Wagram connaissait l'enfant et lui obéissait.
   Tous les êtres puissants et forts, autres que l'homme, ont
une heureuse condescendance pour l'extrême faiblesse. Il
hennissait gaîmenl à l'approche du bambin, courbait sa ro-
buste encolure, effleurait de ses lèvres noires et de sa chaude
haleine les mains roses et les boudes blondes de l'enfant.
Celui-ci le caressait el lui parlait, parfaitement assuré d'être
compris. Parfois Gauthier le plaçait à cheval. Wagram con-
servait une prudente lenteur tant qu'il sentait peser sur lui ce
léger fardeau, el alors la fête était complète.
    En voyant l'écurie déserte, Julien fut atterré et accabla
son père de questions. Gauthier lui donna des explications
fort détaillées auxquelles le petit garçon n'entendit mot, sinon
que Wagram était parti pour longtemps, mais reviendrait
peut-être ou qu'on irait le chercher. A force d'en parler, le
capitaine arriva lui-même à entrevoir, sans s'en rendre
compte, la possibilité d'un fait irréalisable et s'habitua à
dire chaque samedi matin : Allons voir si Wagram n'est pas
revenu          Delà ses promenades hebdomadaires à Clia-
rabara.
   Il fallut songer à l'éducation de Julien. A huit ans il sut à
peu près tout ce que le vieux soldat savait lui-même, c'est-
à-dire, lire, écrire et compter, avec un peu de grammaire,