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UN MARIAGE AUX OEUFS. 341 hors de leur domaine, ils y venaient s'exercer volontiers sur les sangliers et les ours. Quels chasseurs que ces princes de Savoie ! Victor-Emmanuel lui-même ne renie pas cette passion de ses aïeux ; c'est un amoureux de chasse comme autrefois Gaston-Phœbus. Philibert le Beau se hasarda jusqu'aux environs de Bourg. Avait-il hâte de venir rendre hommage à la prin- cesse d'Autriche ? C'était un lundi de Pâques. On entendit le cor retentir au loin dans le bois. Dans la cour du château et sur la place du village les danses cessèrent : quel audacieux pouvait ce jour-là em- piéter sur les droits du seigneur ? On dansait dans l'heureux village, et châtelains et châ- telaines, serfs et manants, tous-se livraient à la joie per- mise parla grande joie de l'Église de Jésus-Christ, Toute la journée, le four banal du village, dans lequel on devait faire cuire tout le pain de la commune (moyen- nant un droit payé au châtelain), avait eu peine à fournir d'immenses omelettes servies, au nom du seigneur, à tous les serfs réunis sous le hangar féodal. Ce hangar, sorte de halle couverte, était en quelques pays le rustique forum d'une commune ; on y dansait aux jours des grandes liesses ; c'était là qu'on partageait les récoltes, les dîmes, qu'on allait s'approvisionner à la ga- belle. Ce jour-là , quelle gaieté, quel entrain ! les vieux tiraient de l'arc sur le tonneau plein, et quand une flèche se plan- tait bien avant dans la barrique, l'adroit archer villageois pouvait boire au tonneau «jusqu'à merci. » Les autres venaient à la file. — Pauvre tonneau !