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                      LES DROITS DU FUMEUR,                       261
  ment dans la bouche la fumée qui sort de la sienne, m'incom-
  mode au suprême degré, et m'expose à prendre mal au cœur.
  Qui aurait tort de nous deux dans ce cas? Si vous êtes assis
  dans une promenade pour prendre l'air, soyez sûr qu'un fu-
  meur va venir vous asphyxier avec sa pipe ou son cigare,
  sans parler des immondices et autres agréments qui accom-
  pagnent ces messieurs. Allez-vous en„ direz-vous. Mais pour-
  quoi faut-il que je quitte un lieu où je suis bien parce qu'il pîait
  à un fumeur d'y venir? Vous voyez que c'est lui qui m'oppri-
 me puisque, pour satisfaire sa passion stupide, il m'empêche
 de prendre l'air. D'ailleurs il n'est pas toujours facile d'éviter
  un fumeur. Ainsi, moi qui vous parle, j'ai, depuis quelques
 années, besoin d'un bras pour marcher. Lorsque mon domes-
 tique m'a conduit où je veux être, il va à ses affaires jusqu'à
  l'heure que je lui ai indiquée, et jusqu'à ce qu'il vienne il me
  faut subir les inconvénients du voisinage d'un fumeur! En
 défendant de fumer dans les rues de Boston , on tyrannise
  moins le fumeur, qui peut fumer chez lui, chez ses amis, à
  i'estam!net, etc., qu'on ne tyrannise l'homme pris d'un besoin
 naturel en le forçant ù satisfaire ce besoin dans un lieu réservé.
     Il y a quelques années, pressé de monter en wagon, car
j'étais en relard, je m'avance devant la portière que m'ou-
 vrait un employé du chemin de fer, lorsque je fus suffoqué
 par la fumée du tabac qui s'échappait du compartiment où
j'allais entrer. Je me retournai, et je dis à l'employé que je
 ne voulais pas être dans le wagon des fumeurs. « Mais ce
 n'est pas du tout le wagon des fumeurs, me dit-il; et sur cela
il se mit a faire des reproches aux personnes qui occupaient
ce compartiment. Toutes les pipas rentrèrent dans les poches,
et comme le sifflet du départ se faisait entendre, je me hâtai
de monter, car j'avais de bonnes jambes alors. A peine la por-
 tière est-elle fermée et le convoi en marche, qu'une espèce
 de caporal orné des epaulettes de capitaine, qui me faisait vis-
 à-vis, m'apostropha dans ces termes: « Faire tant de bruit
 pour un peu de fumée quand on porte un bout de ruban à sa
boutonnière ! Foutre , si vous étiez devant des canons, que
diriez-vous donc? » A cela je répondis que je n'empêchais
pas de fumer dans le wagon des fumeurs, mais qu'il ne me
convenait pas d'entrer dans un wagon de celte sorte. Que
du reste, il n'y avait pas que des canons en France, que les
lettres y tenaient un rang aussi élevé que la guerre, que pour
tenir une plume, i! n'était pas nécessaire d'avoir entendu le
canon, et que le propre de la Légion d'honneur était de r é -
compenser toute sorte de travaux. Mais je parlais à des fu-