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212 SAINT MAURICE ET LA LÉGION THÉBÉENNE. Maurice proféra ces mots d'une voix si calme et si ferme qu'ils firent passer un frisson dans le cœur de Rietius Varus. Puis, il fut procède' au tirage au sort de ceux qui devaient être les victimes de la décimation. Chaque centurion mit dans un casque les noms des hommes de sa centurie, et il en fut tiré dix sur cent. Quand cette sinistre opération fut accomplie, Rietius con- templa hors des rangs un bataillon de six cents hommes for- mant la dixième partie de la légion, et attendant, graves et résignés, le supplice auquel les vouait le destin. ils se mirent en marche entre deux haies de soldats, et furent conduits sur le bord du Rhône. A mesure qu'arrivait pour l'un d'eux le tour de mourir, il jetait son casque, s'age- nouillait et se signait sur le front, les lèvres et le cœur sui- vant le rite oriental. Puis, mettant les bras en croix, il ten- dait la (ête aux bourreaux, et cette têle abattue parle fer allait rebondir sur les galets du fleuve, tandis que des flots de sang allaient rougir les algues et les joncs, pour de là s'é- pancher dans les eaux torrentueuses. Il en lut ainsi jusqu'au dernier, et quand l'atroce besogne fut finie, six cents cadavres jonchaient le rivage. Alors Rietius Varus reprit le chemin du quartier général. Il était sombre et silencieux, et les cohortes qui avaient ac- compli la vengeance impériale semblaient en proie a la stu- peur ; chaque soldat inclinait la tête comme sous ie poids d'un forfait. Le soleil était à son déclin quand Rietius atteignit le seuil d3 la tente impériale. Maximilien reposait sur un lit garni de coussins de pourpre. A la vue de son lieutenant, il se leva d'un bond. — Eh! bien? Rietius? — Ton armée , divin Hercule, est diminuée de six cents hommes.