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128 HOMÈRE. riser leur littérature ; enfin dans chaque écrivain elle pré- tend découvrir la faculté maîtresse d'où sortent fatalement toutes ses qualités et tous ses défauts, tout ce qu'il y a dans ses œuvres d'admirable ou de faible, et même tous les dé- tails les plus minimes de sa pensée et de ses sentiments, comme les feuilles et les fleurs sortent du germe. Que cette méthode ait produit des ouvrages remarquables, qu'elle ait conduit quelquefois h des résultats imprévus et importants, c'est ce que nous ne voulons point nier. Toutefois, outre qu'elle choque le bon sens français par une tendance fata- liste qui trahit son origine hégélienne, comme elle part de principes préconçus, i! esta craindre qu'elle ne fausse et ne violente les faits pour les plier de vive force à un système imaginaire. Dans l'histoire des littératures comme dans tou- tes les autres sciences, c'est des faits qu'il faut partir, sous peine de se perdre dans les généralités vagues, sinon faus- ses de tout point. Or, les faits, c'est l'examen attentif et scrupuleux, c'est la lecture et l'analyse détaillée des monu- ments littéraires qui seuls peuvent les fournir. Entre le point de vue trop restreint de la philologie pure, et les visées trop ambitieuses, en pareille matière, de la philosophie, il est une voie plus sûre, et surtout plus inté- ressante, la vraie méthode littéraire, celle qui, sans système préconçu, mais avec toute l'indépendance de la raison mo- derne, demande aux œuvres de l'esprit humain le secret des civilisations qui les ont enfantées ; qui « ouvre le livre, comme dit Rabelais, pour soigneusement peser ce qui y est déduit, et en tirer la substantificque mouëlle, » c'est-à -dire tout le trésor de connaissances qu'il peut nous fournir sur un des âges de l'humanité. Pour Homère en particulier, ce n'est qu'après avoir analysé patiemment les poèmes qui portent ce grand nom, après les avoir étudiés de près dans leur en- semble et dans leurs détails, qu'on peut aborder avec quel-