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LA BELLE REGAILLETTE. S9 Et le poète Benserade chantait au jeune roi pour l'encou- rager : C'est le plaisir des yeux et la douceur des âmes, Tout ce qu'on voit briller de filles et de femmes Ont pour lui, dans le cœur, d'étranges embarras, Et s'il prend quelque part à la peine qu'il cause Que je lui vois tomber d'affaires sur les bras !... 'Je crois qu'il fera quelque chose. - Il fit en effet quelque chose. Disons-raême que, sous ce rap- port, Louis XIV a trop fait pour sa gloire. Mais aussi n'était-ce pas à qui entrerait dans le complot ? Molière, Molière lui-même ne conlinua-t£il pas Betiserade et toute la cohorte des poètes flatteurs? 11 est juste de dire que Molière n'était pas un courtisan d'une trempe ordinaire: à son petit grain d'encens, il savait mêler une piquante saveur de malice et d'épigramme. Dans le prologue â'Jmphytrion, Mercure rencontrant la Nuit, s'arrête pour causer des choses de la terre. Les voilà tous les deux de belle humeur, se moquant à leur aise, un peu des hommes et beaucoup de Jupiter, le maître des Dieux. J'admire Jupiter et je ne comprends pas Tous les déguisements qui lui passent en tête, dit la Nuit. Et Mercure, en serviteur bien appris, ré- pond : Laissons dire tous les censeurs : Tels changements ont leurs douceurs, Qui passent leur intelligence L'intelligence des vieux grondeurs, soit ! Quant aux jeunes gentilshommes, ils s'accommodaient fort bien des déguise- ments de Jupiter. Les intrigues de la galanterie, où se plai- sait le jeune monarque, les mettaient plus à l'aise pour en- tretenir les leurs. C'est ce qui ne manqua pas d'arriver pendant le séjour de la cour â Marseille, lors de ce fameux voyage, en 1660.