Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                   EXCURSION DANS LE MIDI.                    449
   11 y avait là des femmes modestes, gracieuses et spiri-
tuelles qui valaient bien des douairières. Nous pourrions
citer parmi ces dames, une pianiste, M'*'e F...re, douée
d'un talent des plus remarquables et justement honoré à
Lyon.
   Il ne nous resterait au point de vue excentrique qu'un per-
sonnage à désigner et qu'un portrait à faire : c'est celui d'un
jeune homme gesticulant, virant, virvouchant sur le pont de.
bord à bâbord et tribord, lançant tour à tour au ciel de ces
interjections qui ne se peuvent traduire, ou penchant sa tête
méditative en dehors du bateau pour cracher dans les flots
du Rhône, sans la satisfaction de pouvoir y dessiner des
ronds comme dans l'eau d'un puits. Ce jeune homme très
affairé lirait à tout moment de sa poche un agenda, il dé-
gainait son crayon, méditait encore, reprenait son crayon et
ne crayonnait rien. Les plus perspicaces d'entre les voya-
geurs qui avaient remarqué celte gymnastique extraordinaire
se disaient : « De deux choses l'une, ou ce jeune homme est
un amant malheureux qui médite un suicide, ou c'est un
journaliste aux gestations laborieuses qui ne peut accoucher
de quelques gros Premier-Paris ou d'un feuilleton.
   En effet, c'était un journaliste, un jeune journaliste parisien
en vacances, un des rédacteurs d'un grand journal de Paris,
c'est du moins ce qu'il nous déclara lui-même, craignant
sans doute qu'on ne le supposât point. Ce bon jeune homme
de Paris était heureux et fier de se faire voir à la province,
heureux d'être regardé, écouté, d'être entendu, heureux d'a-
voir un certain air de je ne sais quoi. Ses amis lui avaient
dit:
   —• Mon cher, vous partez pour le Midi, vous allez à Lyon,
à Avignon, à Vaucluse, à Arles ; c'est très bien ! Descendez le
Rhône et faites-nous de l'art, de la philosophie, de l'histoire
romaine, gauloise, moyen-âge et autres dans une série de
beaux feuilletons que nous ferons durer six mois.
  Apparemment, c'était le premier de ces beaux feuilletons
                                              29