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au bonheur pour lui et pour les autres ? L'homme ne vit-il
que de pain ou que de poésie? Et la lête qui se courbe sur
des chiffres, de l'algèbre ou de la mécanique^ ne se relève-t-
elle jamais pour chanter et pour p r i e r ; ne se redresse-t-elle
jamais en s'épanouissant à un éclair de poésie ou d'amour ?
— D'ailleurs , qui comprendra mieux l'esprit cosmopolite
d'un cours de littérature étrangère, que la ville qui créa
l'association pour la propagation de la foi, et qui enlace le
monde dans les réseaux de sa charité ?
   Fidèle à sa mission, M. Quinet ne vient point fédéraliser
littérairement la province, ni proclamer la dictature intel-
lectuelle de la capitale, ni exalter la littérature d'une nation
aux dépens des littératures des autres nations. Le progrès
des choses a fondu la diversité des provinces dans l'unité
de la France, l'esprit de district dans l'esprit national ; par-
tant, plus de littérature provinciale possible, mais seule-
ment une littérature française. Mais la France elle-même,
mais l'Allemagne, l'Angleterre et les autres royaumes ne sont
que des provinces dans le vaste empire de l'humanité. Or, le
môme progrès qui effaça les lignes de démarcation entre
les provinces, les efface chaque jour entre les royaumes.
Les peuples, en se pénétrant par mille points, font deconti-
nuels échanges; et de même que les génies de province se sont
tous absorbés dans le génie national, de même les génies de
nation tendent à se fondre dans le grand génie de l'humanité.
C'est à ce centre de rayonnement que se placera le profes-
seur pour examiner, apprécier et juger les choses. Il compa-
rera les divers monuments de la pensée de chaque peuple:
non pour savoir lequel l'emporte (les chefs-d'Å“uvre, comme
les grandshommes, sont généralement tout ce qu'ils purent
être selon les temps e l l e s lieux où ils virent le jour); mais pour
saisir et généraliser ce qu'ils offrent de caractères communs.
Le naturaliste se demande-t-il qui l'emporte du cèdre du
Liban ou de l'olivier de l'Allique! Il les étudie, puis les classe
d'après leurs analogies ou leurs différences.