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340 conque vous parlait, l'indispensable consécration manquait à votre caractère, vous n'étiez pour vos confrères qu'un être incomplet, inférieur et presque dégradé. On conçoit aisément le bonheur que dut éprouver Chinard en atteignant ce pays favorisé, dont on lui avait raconté de si merveilleuses choses, À peine arrivé dans l'enceinte de la ville éternelle, il courut se faire inscrire pour le grand concours auquel le gouverne- ment pontifical invitait les artistes de toutes nations. C'é- tait en 178G, Chinard accomplissait sa trentième année. Ainsi, ce pouvoir sacerdotal, dont les soldats possédaient une si mauvaise réputation, créait, en revanche les institutions artistiques les plus larges du monde. L'esprit de nationalité, quelquefois si mesquin, ne lui faisait point restreindre son appel aux seuls citoyens de l'Italie ; il admettaient tous les peu- ples, et par celte politique adroite, il s'établissait pour tous le dispensateur d'une gloire passionnément enviée. De même encore, les concurrents n'étaient point soumis aux absurdes conditions d'âge exigées chez nous. La jeunesse entrait en lice, armée de son enthousiasme ; l'âge mûr, avec sa précieuse expérience ; et si la vieillesse voulait tenter un généreux ef- fort, accueillie avec respect, elle prenait place parmi les combattants. On le voit, ce concours n'était point un concours d'enfants; c'était, au contraire, une arène redoutable où les plus rudes lutteurs de l'Europe tenaient à honneur de descendre. Les statuaires avaient reçu pour sujet de composition, Persée dé- livrant Andromède. La conviction des juges ne resta pas un seul instant incertaine. Chinard, proclamé vainqueur, fut cou- ronné pompeusement au Capitule ; et, ce qui doubla l'éclat de son triomphe, c'est que depuis plus de soixante ans, aucun Français n'avait remporté le prix de sculpture. Sa composi- tion devant rester à l'Académie, il modela pour lui-même une copie de l'œuvre qui devenait son premier litre à la gloire. Cette vaste terre cuite, exécutée avec une habileté rare, est aujourd'hui l'un des plus beaux ornements du musée de Lyon»