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   conque vous parlait, l'indispensable consécration manquait
   à votre caractère, vous n'étiez pour vos confrères qu'un être
   incomplet, inférieur et presque dégradé. On conçoit aisément
   le bonheur que dut éprouver Chinard en atteignant ce pays
   favorisé, dont on lui avait raconté de si merveilleuses choses,
   À peine arrivé dans l'enceinte de la ville éternelle, il courut
   se faire inscrire pour le grand concours auquel le gouverne-
   ment pontifical invitait les artistes de toutes nations. C'é-
  tait en 178G, Chinard accomplissait sa trentième année.
  Ainsi, ce pouvoir sacerdotal, dont les soldats possédaient
  une si mauvaise réputation, créait, en revanche les institutions
  artistiques les plus larges du monde. L'esprit de nationalité,
  quelquefois si mesquin, ne lui faisait point restreindre son
  appel aux seuls citoyens de l'Italie ; il admettaient tous les peu-
  ples, et par celte politique adroite, il s'établissait pour tous
  le dispensateur d'une gloire passionnément enviée. De même
  encore, les concurrents n'étaient point soumis aux absurdes
  conditions d'âge exigées chez nous. La jeunesse entrait en
 lice, armée de son enthousiasme ; l'âge mûr, avec sa précieuse
 expérience ; et si la vieillesse voulait tenter un généreux ef-
 fort, accueillie avec respect, elle prenait place parmi les
 combattants.
     On le voit, ce concours n'était point un concours d'enfants;
 c'était, au contraire, une arène redoutable où les plus rudes
 lutteurs de l'Europe tenaient à honneur de descendre. Les
 statuaires avaient reçu pour sujet de composition, Persée dé-
livrant Andromède. La conviction des juges ne resta pas un
seul instant incertaine. Chinard, proclamé vainqueur, fut cou-
ronné pompeusement au Capitule ; et, ce qui doubla l'éclat
 de son triomphe, c'est que depuis plus de soixante ans, aucun
Français n'avait remporté le prix de sculpture. Sa composi-
tion devant rester à l'Académie, il modela pour lui-même une
copie de l'œuvre qui devenait son premier litre à la gloire.
Cette vaste terre cuite, exécutée avec une habileté rare, est
aujourd'hui l'un des plus beaux ornements du musée de Lyon»