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73 Vendramin. On numéroterait les pierres de la façade et la navigation les amènerait à Lyon. » Qu'en pense le conseil municipal ? Après avoir dit qu'un incendie débarrassa les Lyonnais de leur Grand-Théâtre, énorme et lourd édifice du siècle de Louis XV, (toujours Louis XV), le touriste fait de la littérature ; mais l'on peut voir que jamais l'art de parler sans rien dire n'a été poussé plus loin que dans les lignes suivantes : « Il y a deux absurdités de détail dans les opéras français, même ceux de M. Scribe, cet homme d'esprit. On y parle en style noble. Dans le Philtre on dit en ces lieux pour ici, il sommeille pour il dort, avant le moment nuptial pour avant le mariage. Ce langage ôte toute sympathie, et tuerait l'effet dramatique, si tant est qu'il y eut quelque chose à tuer. Guillaume Tell est bien pis. Mais il y a plus, beaucoup de ces malheureux ouvrages sont en vers. Or comme la musique répète les mots, jamais ces vers n'arrivent à l'oreille du spec- tateur. Ils ne sont là que pour le malheureux Allemand qui lit la pièce. Et d'ailleurs comment ce que les hommes de let- tres appellent l'harmonie des vers arriverait-elle à l'oreille à travers la mélodie telle quelle de la musique ? » L'auteur ajoute : Que d'absurdités à la fois ! C'est un guêpier et je me perds en osant le dire. » Oh ! il a bien raison ! Voilà un livre qui paraît sous le patronage d'un éditeur en vogue de Paris, qui en est à son second tirage, un livre répandu dans les cabinets littéraires de la France. Toutes les fausses idées, toutes les erreurs, toutes les appréciations ridicules qu'il renferme seront acceptées pour des vérités par un grand nombre de lecteurs. Il en est même qui se laisseront sé- duire par l'aplomb imperturbable et le ton dégagé, leste et prétentieux de l'auteur. Il nous a donc semblé ulilede si- gnaler les Mémoires d'un touriste comme une œuvre d'igno- rance et de mauvais goût, sinon de mauvaise foi. Amédée de ROUSSILLAG.