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   Achevez de vous délier, dit-il à voix basse à celui-ci, et à la
 première rue que nous rencontrerons à droite ou à gauche sau-
 vons-nous à toutes jambes.
   Que dites vous là? répond le compagnon indigné, vous allez
me compromettre !
    Ce mot peint le courage mouton de l'époque, et la petite
quantité de présence d'esprit dans les dangers, qu'une civili-
sation étiolée avait laissée aux Français. Ce n'est point ainsi
 qnel'on en agissait du temps de la Ligue. Yoir les naïfs et ad-
 mirables journaux de Henri 111 et de Henri IV, on dirait un
autre peuple.
   Ce n'est point ainsi qu'il faudrait en agir si, par impossi-
ble, la Terreur reparaissait en France. On doit se faire tuer en
essayant de tuer l'homme qui vous arrête. Un jeune homme
ne se laisserait plus enlever de chez lui et conduire en prison
par deux vieux officiers municipaux. Chaque arrestation de-
viendrait une scène pathétique, les femmes s'en mêleraient ;
il y aurait des cris, etc, etc, la mode viendrait de faire sauter
la cervelle à qui veut vous arrêter.

   La place de Bellecour, si renommé à Lyon est plutôt
dépeuplée que grande. Les façades de Bellecour, comme on
dit avec emphase dans le pays , sont seulement habitées
par la noblesse qui est fort dévote ici et fort peu gaie.
Rien de plus triste que la place de Bellecour.
   Quand, par malheur, je n'ai pas affaire, et que je me sens
près de me donner au diable, par ennui, s'il fait beau, je
vais prendre une brèche au quai de la Feuillée, sur la Saône.
   Le quai de la Saône, bien situé, environné de collines et
d'édifices à physionomie représente l'été à Lyon ; pour le
quai du Rhône^ c'est l'insignifiance moderne et l'hiver.
   Entraîné par ma phrase, j'oubliais de dire qu'on appelle
brèche à Lyon une petite barque couverte d'un cerceau et
d'une toile, menée à deux rames par une jeune fille, dont la
grâce l'élégance de propreté et !a force presque virile rap-