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67 Achevez de vous délier, dit-il à voix basse à celui-ci, et à la première rue que nous rencontrerons à droite ou à gauche sau- vons-nous à toutes jambes. Que dites vous là ? répond le compagnon indigné, vous allez me compromettre ! Ce mot peint le courage mouton de l'époque, et la petite quantité de présence d'esprit dans les dangers, qu'une civili- sation étiolée avait laissée aux Français. Ce n'est point ainsi qnel'on en agissait du temps de la Ligue. Yoir les naïfs et ad- mirables journaux de Henri 111 et de Henri IV, on dirait un autre peuple. Ce n'est point ainsi qu'il faudrait en agir si, par impossi- ble, la Terreur reparaissait en France. On doit se faire tuer en essayant de tuer l'homme qui vous arrête. Un jeune homme ne se laisserait plus enlever de chez lui et conduire en prison par deux vieux officiers municipaux. Chaque arrestation de- viendrait une scène pathétique, les femmes s'en mêleraient ; il y aurait des cris, etc, etc, la mode viendrait de faire sauter la cervelle à qui veut vous arrêter. La place de Bellecour, si renommé à Lyon est plutôt dépeuplée que grande. Les façades de Bellecour, comme on dit avec emphase dans le pays , sont seulement habitées par la noblesse qui est fort dévote ici et fort peu gaie. Rien de plus triste que la place de Bellecour. Quand, par malheur, je n'ai pas affaire, et que je me sens près de me donner au diable, par ennui, s'il fait beau, je vais prendre une brèche au quai de la Feuillée, sur la Saône. Le quai de la Saône, bien situé, environné de collines et d'édifices à physionomie représente l'été à Lyon ; pour le quai du Rhône^ c'est l'insignifiance moderne et l'hiver. Entraîné par ma phrase, j'oubliais de dire qu'on appelle brèche à Lyon une petite barque couverte d'un cerceau et d'une toile, menée à deux rames par une jeune fille, dont la grâce l'élégance de propreté et !a force presque virile rap-