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lignes, ni celle de la couleur, ni celle de la lumière; ce qui consti- tue le sentiment, la vie, en un mot. Quelques subtiles que soient ces opinions, j'espère qu'elles devien- dront un peu plus claires au moyen des applications qui vont se pré- senter tout naturellement en passant en revue les tableaux de paysage. Ceux d'Hostein tiennent le premier rang au salon ; cet artiste me semble posséder une intelligence du paysage aussi complète que possible, et les intelligences complètes en quelque ordre que ce soit sont tellement clairsemées, qu'on ne peut trop les apprécier. Le Grand Paysage est d'une vérité saisissante ; tout est exactement reproduit, non seulement les choses, mais encore la poésie des choses; depuis les moindres détails, comme l'écorce des arbres et l'herbe du chemin jusqu'à l'harmonie poétique de l'ensemble. Il y a de l'espace, de l'air, de la clarté ; il semble qu'on pourrait entrer dans ce chemin si bien tracé et s'asseoir à la place de ces paysans, sous les grands chênes. Chaque partie de cet ouvrage, prise séparé- ment, est une excellente étude; en même temps l'ensemble forme un tout harmonieux, tandis que la plupart des artistes font des étu- des sans charme ou des tableaux sans vérité. Quelques pauvres maisons de bois, recouvertes de chaume et en- tourées de montagnes hautes et nues, forment le Village des Ar- demies. Autant on remarque de la largeur de pinceau dans la grande toile dont je viens de vous parler, autant on trouve de délicatesse dans cette petite page. Les terrains ont de la profondeur et de la consistance; l'air est transparent et léger; la fumée qui sort des ca- banes est si bien rendue, qu'à elie seule elle donnerait de la vie au paysage. Aussitôt que je me suis arrêté devant les Sapins de la forêt Noire, il m'est venu je ne sais quelles réminiscences alpestres, quels déli- cieux souvenirs ! j'ai pensé à la Suisse, j'ai cru entendre le Banz des Vaches ou l'ouverture de Guillaume Tell. Je me suis senti trans- porté sur la cime de quelque haute montagne; les melèses et les plantes sauvages envoyaient leurs exhalaisons aromatiques; on en- tendait le chant des pâtres et les clochettes des vaches au fond des bois. Jamais un lableau médiocre ne produira cette illusion.