Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   490
l'horrible ligne droite. Il aurait pu, tout comme un autre, circuler
légèrement sur leflancdes montagnes, il a mieux aimé se précipiter
brutalement dans le flanc de la montagne, et vous tenir des quarts
d'heure tout entiers dans cette nuit humide et profonde. Il aime
mieux creuser une voûte que jeter un pont. La difficulté qu'il pouvait
tourner, il la brise ; c'est un brutal qui marche violemment à son
but sans s'inquiéter des malheureux qu'il traîne après lui.
    Et notez que toute cette violence est une violence en pure perte ;
 il s'en faut que cette droite ligne soit le chemin le plus court. Il a
 toutes sortes de caprices insupportables dans un personnage si mal
 dressé. Il va par sauts et par bonds, tantôt très-vite, tantôt très-
 lentement, sans dire pourquoi. Il accomplit sa tâche dans toutes
 sortes d'équipages et des plus bizarres.
     D'abord, pour sortir de Lyon, il attèle à son char, ou plutôt à ses
 chars, une demi-douzaine de chevaux de fiacre, rosses efflanquées,
 qui ne savent comment sauter entre tous ces rails qui s'entrecroi-
 sent. On sort de Lyon au pas, avec la lenteur d'un convoi funèbre;
 on traverse ainsi la première voûte, et Dieu sait si le trajet vous
 paraît long! Une fois hors de la voûte, le chemin de fer remplace ses
 maigres haridelles par une maigre machine à vapeur, d'un très-petit
 calibre, d'une force des plus médiocres, et nourrie, je veux dire
 chauffée, par charité. Cependant cette frêle machine vaut mieux à
 elle seule que cent chevaux comme ceux qui vous traînaient tout
 à l'heure, et vous allez assez bien pendant une heure ou deux,
 quand tout à coup la machine est dételée à son tour ; cette fois un
 coup de poing remplace les six chevaux de la première étape ; vous
 allez ainsi l'espace de deux lieues, après quoi le convoi s'arrête
 encore. Ce serait bien le cas ou jamais d'atteler une autre machine.
 Le sentier est difficile et malaisé ; la pente qui allait tout-à-Pheure
 en s'inclinant, maintenant elle remonte, la descente est devenue
  montée. Allons! c'est pour le coup qu'il faut de la vigueur! Vite,
  une bonne machine bien nourrie, bien fumante, bien chaude, et dans
  vingt minutes nous sommes au but !
     Mais non ! le chemin de fer ne va pas si vite. Il ne possède dans-
  ses écuries qu'une machine, ércintée et asinathique; d'ailleurs il nour-
  rit, pour son usage particulier, dans un petit clos voisin, entre deux