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le regardera jamais comme sien.— Cherche-l-il à ensevelir
dans un suaire de travail les mouvements de sa nature , la
tache originelle sera devinée, malgré les efforts de l'homme ;
l'instinct bourgeois saura bien découvrir au fond du cœur ses
croyances craintives, ses rêves et ses désirs tournés vers
d'autres pensées; et s i , secouant l'étreinte de préjugés stu-
pides , cédant à l'entraînement de l'instinct, se fiant, pour
mettre toute chose en son j o u r , à l'accomplissement scrupu-
leux de ses devoirs , il prétend donner ouvertement satisfac-
faction à ses goûts; s i , remuant les cendres de son intelli-
gence assoupie, il laisse quelque étincelle éblouir les yeux
du vulgaire, oh ! alors gare à l u i ! une sorte de déconsidéra-
tion le frappera dans l'exercice de son commerce ou de sa
profession ; la confiance désertera sa bannière ; ses projets
d'avenir, ses besoins de fortune ne rencontreront que dispo-
sitions malveillantes, sans cesse alimentées par l'esprit de
coterie et de commérage.
    Cet esprit de c o m m é r a g e , Monsieur, grâce aux habitudes
lyonnaises, est peut-être ici le fléau le plus dangereux. Il faut
vous dire que le négociant passe au café les heures qu'il ne
passe pas au comptoir. Or, si l'on travaille au comptoir, l'on
jase au café. C'est dans ces intermèdes de loquacité que se
font et se défont les réputations de tous genres; c'est là qu'on
explique la vie de chacun, qu'on la commente, qu'on la tord
en tous s e n s , qu'on renverse enfin les cloisons de chaque
intérieur pour fureter curieusement dans chaque recoin.
Qu'ai-je besoin d'ajouter que les esprits les plus sots et les
plus méchants s e n t i e s meneurs de ces propos de chambrée,
et que naturellement on y est impitoyable pour tout ce qui
ne ressemble pas à soi. Je voudrais , monsieur, que vous
pussiez assister à ces conversations d'estaminet, entre gens
 qui sont, comme disait le Courrier de Lyon, l'élite de l'in-
 dustrie et du commerce; vous verriez quel est l'esprit qui
les a n i m e , vous jugeriez la force et l'élévation de leurs idées,
 et si j'ai calomnié la caste dont ils sont les,tiges les plus