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   Quoiqu'il en soit, les Lyonnais ne donnèrent bientôt plus
à cette statue que le nom d'Homme de la Roche; le gouver-
neur fut oublié , et le monument se para du souvenir d'un
honnête h o m m e . Dès lors le peuple s'attacha à celle statue ,
et se plut à la perpétuer. De loin en loin , lorsque deux ou
trois années d'un travail soutenu leur ont permis d'écono-
miser pour se gaudir un peu , les ouvriers de Bourgneuf
renouvellent avec grande pompe le monument qu'ils croient
représenter celui qui fut le bienfaiteur et l'ami de leurs aïeules.
Souvenir et reconnaissance pleins de charme et d'intérêt!
  Le dernier renouvellement date de 1820. Les ouvriers se
cotisèrent pour acheter un orme fourchu, dans le tronc du-
quel le corps et la têle de Cléberg furent taillés largement.
Les deux branches principales de l'arbre renversé servirent
de jambes , qui n'eurent besoin de chevilles ni de clous. Deux
petites branches prêtèrent les bras , une autre fut sa lance ,
et d'un écol sortit une bourse suspendue à sa main. Celte
grotesque statue bariolée de couleurs, portant moustaches,
joues rebondies, casque en tête et lance au p o i n g , après
une exposition de quelques jours à la Halle au Blé, fut p r o -
menée par la ville , le bouquet au c ô t é , sur un grand char
de m e u n i e r , puis hissée sur le roc le jour de la Saint-
Jean.
    Tout finit : les statues de marbre peuvent se briser^ celles
d'airain s'enfouir, si leur base croule; les statues de bois s'en
vont en loques; et celle de Jean Cléberg, dont le piédestal
est un rocher granitique, a subi son propre destin dans toute
son affreuse rigueur : elle n'a plus ni bras ni tète ; adieu la
bourse, adieu la lance! la poitrine s'en est allée ; la colle de
maille existe encore, mais inutile, car l'intérieur s'est creusé
pour laisser passer l'air et la lumière par une large blessure
ouverte sur le flanc droit. Les deux jambes, cagneuses et d é -
jetées ,, chaussées de botles d'un rouge passé au soleil et à la
p l u i e , supportent ce tronçon qui joue dans un anneau de fer
scellé au r o c , ce qui lui donne assez l'air d'un esclave en-